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Grand Angle

Maroc – Espagne : Les «nouvelles routes» de haschisch défient la police espagnole

Depuis l’été 2018, les «lanchas» sont devenus une bête noire des garde-côtes opérant entre le Maroc et l’Espagne. Acheminant des tonnes de résine de cannabis depuis la rive sud de la Méditerranée, ces bateaux à moteurs ultra-rapides parviennent à semer la Garde civile.

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Les lanchas ou navires go-fast sont devenus une nouvelle manière pour les trafiquants de drogue de semer les garde-côtes / Ph. DR.
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Au cœur des montagnes du Rif, un nouveau modus operandi pour l’acheminement du haschisch à plusieurs pays européens s’opère à l’abri des regards. Il consiste en une longue chaîne entre transporteurs à dos d’âne dans les montagnes et d’adolescents de l’autre côté de la Méditerranée, d’Almeria à Málaga à l’est, Huelva et Sanlucar à l’ouest.

Là-bas, des femmes et des jeunes font office de simples passants servent d’indicateurs payés pour guider les transporteurs qui font parvenir la drogue à destination. Ces derniers sont en fait des hommes de main venus des Pays-Bas, de Belgique, de France ou de Suède pour réceptionner la marchandise et la faire circuler dans les principales capitales européennes.

Ce parcours désormais loin du détroit de Gibraltar, où la surveillance maritime s’est accrue dans le cadre de la mise en échec des tentatives de migration depuis le sud, a été retracé dimanche pas une enquête publiée sur Paris Match. La journaliste y décrit notamment le chargement de barques de pêcheurs sur les côtes rifaines. Chacune de ces embarcations porte jusqu’à cinq tonnes de résine par traversée, pour rejoindre ensuite les lanchas en haute-mer.

«Un pilote, un copilote, le mécanicien et l’’huissier’, l’homme de confiance du propriétaire marocain de la drogue, réceptionnent les paquets, puis l’équipage fait cap sur l’embouchure d’un fleuve», explique l’enquête. Celle-ci indique que les embarcations à moteur puissant parviennent parfois à dévier l’attention des garde-côtes espagnols sans se faire repérer.

Mais elles sont parfois prises en filature par un hélicoptère, jusqu’à la capture de la cargaison et des livreurs. Astuce des conducteurs : brasuer des lasers en direction des hélicoptères, obligeant ces derniers à ralentir la course-poursuite jusqu’à perdre la trace des trafiquants dans l’embouchure d’un fleuve.

«Depuis 2018, le pouvoir espagnol a mis la pression sur La Linea de la Concepcion, la ville qui jouxte le rocher britannique ; les «narcos» menaçaient les forces de l’ordre, même en civil. Plus rien ne les effrayait, cela devenait invivable», souligne le média en citant Juan Ruiz, un capitaine espagnol de l’unité anti-drogue de la Garde civile à Málaga.

Un marché juteux qui s’étend à toute l’Europe

Selon la même source, 5 000 arrestations dans le cadre de cette lutte ont été enregistrées en un an, avec 150 tonnes de haschisch saisies. Cependant, ces chiffres ne sont pas des indicateurs suffisants d’une baisse du trafic de drogue. Pour le capitaine cité par le média, la police tente surtout de «compliquer la tâche» aux trafiquants «dans cette guerre perdue», en les obligeant à changer de procédé à chaque fois.

Mais les côtes espagnoles ne sont qu’une première étape dans la longue route du haschisch à travers ses ramifications européennes. Cette enquête qui s’est intéressée principalement à l’escale charnière de ces cargaisons inondant l’Europe donne en effet une vue plus détaillée sur l’acheminement de la résine marocaine dans différentes capitales, notamment Amsterdam qui est connue pour ses shops proposant une consommation récréative du cannabis.

Dans une précédente enquête, la BBC a en effet remonté la provenance de la majeure partie de ces produits légalement en vente aux Pays-Bas dans les shops spécialisés. Intitulé «Qui s’enrichit du haschisch marocain ?» ce documentaire de 52 minutes a finalement démontré que ce commerce profitait en premier lieu à ces mêmes réseaux de trafic entre le Maroc et l’Espagne, où l’on retrouve notamment des noms de personnalités localement influentes, selon l’auteur de ce film inédit.

Le porte-parole de l’une des enseignes néerlandaises y explique que «la vente de haschisch à Amsterdam est autorisée, mais son transport, son stockage et sa culture sont interdits». De ce fait, son entreprise ne peut avoir que 500 grammes de stocks de haschisch, afin de ne pas alimenter les circuits de trafic en grandes quantités.

Cependant, l’enseigne reconnaît entretenir des rapports avec des producteurs de haschich au Maroc. «Nous avons une ligne de semis cultivée au Maroc», confie-t-il à la BBC Arabic, qui indique que les vendeurs européens contribuent de la sorte à l’essor du marché marocain illicite de la drogue.

Les producteurs de haschich sont considérés comme des hors-la-loi au Maroc, tandis que la vente légale de cannabis à Amsterdam rapporte «près d’un milliard d’euros par an». Un seul gramme de haschich en provenance de Ketama y est vendu à 8,50 euros.

Dans les villes de la région de Málaga, le marché des passeurs de drogue, lui, s’est ancré dans le tissu économique, attirant davantage de jeunes au chômage via de belles sommes d’argent (500 à 1 500 euros la course). 

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