Dans le sud de l'Espagne, une technique arabe médiévale est ressuscitée pour aider à préserver et à gérer l'eau. Aljibe, ou Al Jobb, un mot emprunté de la langue arabe, fait référence aux puits souterrains utilisés pour stocker l'eau de pluie.
À Alicante, où la pluie peut disparaître pendant des mois ou inonder la province, la technique est de retour. Selon The Guardian, les autorités de la province méridionale de l'Espagne ont construit un Aljibe pour Sant Joan, une municipalité appartenant à la région métropolitaine d'Alicante.
Cet Aljibe, appelé La Marjal, imite la technique traditionnelle mise en place par les Arabes dans la péninsule, mais avec un objectif légèrement différent. En plus de stocker et de recycler les eaux de pluie, La Marjal «sert de zone de loisirs typique et de réserve naturelle», écrit The Guardian.
La Marjal, un Aljibe moderne à Alecante, en Espagne. / Ph. Aguas de Alicante
Jorge Olcina, professeur de géographie analytique à l'Université d'Alicante, a déclaré au média britannique que «la nécessité d'une gestion durable [les] a obligés à récupérer des pratiques ancestrales». «On pourrait dire que ces installations de stockage d’eau de pluie à Alicante et à Barcelone sont les nouveaux Aljibes du XXIe siècle», a-t-il expliqué.
Aljibes ou les citernes maures à Al Andalus
En effet, Alicante s’appuie sur la pratique développée par les musulmans lorsque l’Espagne et le Portugal faisaient partie d’Al Andalus. Aljibes, également appelés citernes maures, étaient considérés comme des unités de stockage importantes pour les «forteresses d'Al Andalus», ont écrit Luis José García-Pulido et Sara Peñalver Martín de l'Université de Malaga.
Un Aljibe à Sorbas en Andalousie. / DR
Dans leur article de 2019 intitulé «The Most Advanced Hydraulic Techniques for Water Supply at the Fortresses in the Last Period of Al-Andalus (Thirteenth to Fifteenth Century)», les chercheurs expliquent que ces installations d’approvisionnement en eau avaient «fourni une autonomie pendant les périodes de paix et de résistance contre des sièges prolongés».
«Ils sont généralement l’une des structures qui subsistent de ces forteresses, en raison de leur solide construction et de leur situation totalement ou partiellement enterrée. Ce fait a favorisé leur préservation, car ils sont moins exposés à l'érosion et ont été protégés par le dépôt de terre et de débris de la destruction d'autres éléments environnants».
Des Aljibes similaires ont été construits ailleurs, notamment à Grenade, dans le sud de l'Espagne. Selon la plate-forme Piccavey, «à Grenade, beaucoup de ces structures historiques peuvent être vues parsemées autour du quartier Albaicin». «Le plus grand de la ville est l’Aljibe del Rey, qui contient plus de 300 mètres cubes d’eau», a déclaré la même source.
Au Maroc aussi, ces citernes faisaient partie de l'architecture marocaine. Selon les deux chercheurs, des Aljibes similaires à ceux de l'Espagne auraient été construits par les Almoravides, qui s'étendent sur le Maghreb occidental et Al Andalus. «La forteresse de Tasgimut, construite également par les Almoravides vers 1125» contenait «les vestiges d'une fontaine garantissant l'approvisionnement en eau d'un grand aljibe de plan carré et constitué de grosses pierres, au sud-est de la forteresse», a-t-on ajouté.
Inventés par des Arabes qui vivaient à Al Andalus, ces installations d'approvisionnement en eau peuvent être d'une grande utilité aujourd'hui, à une période où le stress hydrique menace plusieurs pays.