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Grand Angle

Aïd Al-Adha : Aux origines de la solidarité des Marocains pendant la fête du sacrifice

C’est pendant les fêtes religieuses et spécialement l’Aïd Al-Adha célébré dans le royaume ce lundi que la solidarité dont les Marocains font preuve, à travers plusieurs actions à l’intention des plus démunis. Mais ce phénomène trouve-t-il ses origines avec l'islam ou s’agit-il d’une valeur sociale ?

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Photo d'illustration. / Ph. DR
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Plus qu’une fête religieuse commémorant le geste du prophète Ibrahim ayant répondu à l’appel divin et allait sacrifier son fils Ismaïl, l’Aïd Al-Adha est aussi une occasion pour faire montre de solidarité. Avant la fête, des associations débutent des campagnes de collecte de dons pour acheter des moutons aux plus démunis. Au sein des familles marocaines, ceux disposant de moyens peuvent aussi aider financièrement les personnes nécessiteuses. Un élan de solidarité qui retrouve son origine notamment dans la religion musulmane.

En effet, Ahmed Abbadi, secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas, contacté par Yabiladi ce vendredi, rappelle qu’il «y a beaucoup de textes qui font état de la solidarité en islam». «A la fin du Coran, par exemple, on retrouve une petite sourate, Al Ma’un, qui dit ‘vois-tu celui qui traite de mensonge la rétribution ? C’est bien lui qui repousse l’orphelin, et qui n’encourage point à nourrir le pauvre’. L’abandon de la religion devient donc lié à l’abandon de la solidarité sociale», nous déclare-t-il.

La solidarité puise ses origines en islam

Une solidarité qui peut atteindre plusieurs degrés, «au point que le musulman peut donner la priorité à l’autre avant lui-même», fait savoir le secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas. Il rappelle aussi l’existence de «plusieurs textes fondateurs qui évoquent cet aspect de solidarité et lui donnent une place plus importante par rapport à d’autres aspects culturels et cultuels que nous pensons prioritaires».

«Parmi les textes, il y a un hadith d’une conversation entre le Prophète Mohammed et sa femme Aicha qui avaient égorgé une chèvre. Il lui demande ce qui reste. Aicha lui répond qu’il ne reste plus qu’une partie. Le Prophète corrige en l’invitant à dire qu’il reste plutôt tout sauf cette partie. Cela veut dire que ce qui a été offert aux plus démunis est ce que le musulman épargne pour le trouver lors du Jour du Jugement dernier.»

Ahmed Abbadi

Et le secrétaire général de la Rabita Mohammadia des Oulémas de rappeler, à cet égard, un autre texte, figurant dans plusieurs sourates du Coran, qui «affirme que ce que nous épargnons, nous le trouvons chez Dieu». «La solidarité en islam n’est pas d’ordre esthétique, coïncidant seulement avec l’Aïd. C’est plutôt organique et infuse tout au long, en large et en profondeur des textes de l’islam», conclut Ahmed Abbadi.

L’élan de solidarité, spécialement durant la fête du sacrifice est également d’ordre social. Le sociologue Ali Chaabani rappelle que «la solidarité est un pilier essentiel de la société, car c'est le devoir de l'Homme d'aider les autres quelles que soient les conditions».

Une valeur aux multiples facettes

Rappelant la distinction faite par le sociologue français Émile Durkheim, l'un des fondateurs de la sociologie moderne, ayant évoqué la solidarité mécanique et la solidarité organique, Ali Chaabani considère que ces deux composantes existent simultanément au Maroc.

«A l'occasion de l'Aïd al-Adha par exemple, il y a la mobilisation de certaines associations, ce qui est une forme de mobilisation organique, donc organisée tout comme les initiatives menées par des individus dans l’ombre ou au sein de leur famille, ce qui est une solidarité mécanique», explique-t-il.

«De nombreux philanthropes ou associations entreprennent des initiatives volontaires afin d'apporter joie et bonheur aux enfants, personnes âgées et personnes nécessiteuses. Ces valeurs sont encore vivantes au sein de la société marocaine et doivent encore être renforcées car c’est aussi un moyen de réduire les disparités sociales.»

Ali Chaabani

De son côté, le sociologue marocain Chakib Guessous considère que l’élan de solidarité a plusieurs facettes, car «même lorsqu’une famille égorge un mouton et donne une partie de celui-ci à des proches, il s’agit d’un geste de solidarité».

Il affirme que ce phénomène n’est pas nouveau. «Cela a toujours existé au sein de la société marocaine, même si aujourd’hui, ce sont des associations qui prennent le relai. Le sacrifice, de nos jours, n’est plus un souvenir de l’acte d’Abraham mais surtout un moyen pour faire preuve de solidarité au sein de la collectivité», analyse-t-il.

La solidarité impactée par les changements ?

Mais cette solidarité reste impactée par plusieurs changements. Si le sociologue Ali Chaabani croit savoir que «la solidarité organique devient de plus en plus forte car elle donne un nouveau souffle à la solidarité tout en renforçant les relations sociales», son collègue Chakib Guessous, qui reconnaît que «l’envie de solidarité persiste», note toutefois qu’«il y a un certain nombre de faits sociaux et sociétaux qui font que la solidarité est en train de se réduire».

«Auparavant, un mouton n’était pas aussi cher. Mais aujourd’hui, une personne avec un salaire ne dépassant pas le SMIG a du mal à en acheter d’où le recours aux crédits. Et lorsqu’on n’a pas la possibilité de payer son mouton sans crédit ou qu’on le paye avec difficulté, on a aussi du mal à en donner une partie, ce qui affecte la solidarité.»

Chakib Guessous

«La transformation des familles, qui deviennent de plus en plus nucléaires, les revenus qui ne peuvent plus permettre aux gens de subvenir à leurs besoins, et même l’urbanisation peuvent tous affecter la solidarité au sein de la société marocaine», conclut-il.

Article modifié le 09/08/2019 à 20h55

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