Voilà un an et demi que des associations à Taghjijt (province de Guelmim) alertent sur les dangers d’un projet imminent destiné au traitement des eaux usées, mais donnant directement sur une oasis vitale pour l’écosystème local. Il n’en a rien été, puisque le projet a fini par être lancé officiellement mardi dernier, à l’occasion de la fête du trône. Malgré le début des travaux, la société civile locale espère que l’auteur du projet tienne compte des recommandations lui ayant été adressées à plusieurs reprises.
Ce dernier n’est autre que l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), qui envisage la mise en place d’une station de traitement des eaux usées «au cœur même de l’oasis», selon Abdelaziz Sellami, membre de la section locale de l’Association marocaine de protection de l’argent public (AMAP). Contacté par Yabiladi, celui-ci appelle à ce que le projet «tienne compte des normes pour le respect de l’environnement». Dans ce sens, la société civile de Taghjijt a lancé, depuis plusieurs jours, un hashtag en arabe sur les réseaux sociaux.
A travers "تغجيجت_واحة_تحتضر#" (#Loasis_de_Taghjijt_se meurt), les acteurs locaux fustigent ainsi le choix du site, entre autres. Justement, le projet se situe «sur un point qui connaît d’importants mouvements des vents, où les eaux usées, la température et l’ensoleillement favoriseront la procréation d’insectes nuisibles pour les habitants et pour l’oasis, ce qui menace l’équilibre biologique et expose les riverains à nombre de maladies», nous explique aussi Abdelaziz Sellami.
Le danger et l’indifférence que reprochent les associatifs aux pouvoirs locaux ont poussé une dizaine d’organisations de la société civile locale à se mobiliser à travers un suivi du projet, «d’un point de vue médiatique mais aussi juridique», souligne par ailleurs le militant qui prévoit une marche au cours de ce mois d’août.
«Les responsables locaux comme ceux du projet n’ont pas la culture du droit d’accès à l’information et l’esprit participatif, selon lequel il faut impliquer les acteurs civils dans le développement local en les consultant. Cela s’observe dans le fait qu’ils ne répondent pas à nos correspondances où nous demandons, entre autres, de consulter les détails de l’ouvrage et de le mettre en conformité avec le respect de l’environnement.»
Le tribut économique et environnemental menace d’être lourd
Parmi les normes à respecter dans la mise en place de l’infrastructure du traitement des eaux usées, «il faut s’éloigner de trois kilomètres au minimum du périmètre des habitations, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de ce projet, entre autres», nous précise de son côté Lahcen Essahraoui, du Centre Al Joudour pour l’information et la documentation à Taghjijt.
De plus, «l’oasis est traversée par une importante source d’eau qui irrigue principalement toute la région et que ce projet menace plus que jamais, mais l’ONEE n’écoute pas les recommandations des associations à ce sujet», déplore le militant, ajoutant que «la population a signé une pétition et transmis plusieurs courriers à l’auteur du projet et aux autorités locales, mais que ces actions sont restées lettre morte».
Le tribut économique de ce projet n’est pas négligeable non plus. En effet, la culture de dattes dans les palmeraies de Taghjijt sont la principale source de revenu pour nombre de familles dans la région, selon le membre de la section locale de l’AMAP. «Si l’activité oasienne est mise en péril à cause des projets locaux qui ne s’adaptent pas à ce mode de vie, l’avenir et la dignité de milliers de riverains sera en jeu», prévient Abdelaziz Sellami.
Par ailleurs, le projet pourrait même mettre en péril la qualité de cette récolte qui pourrait «facilement devenir impropre à la consommation», selon Lahcen Essahraoui. En effet, ce dernier prévient quant à «l’impact des activités préliminaires en préparation du lancement officiel des travaux sur la qualité des dattes de la région», affirmant l’avoir observé «depuis les deux dernières saison et particulièrement la dernière».
«Nous exigeons des réponses cohérentes, logiques et convaincantes des parties concernées par ce projet, afin de rassurer la population locale, ce qui n’est pas le cas pour le moment», plaide Lahcen Essahraoui qui fustige «une indifférence générale des responsables». Dans l’espoir d’obtenir des réponses, le militant s’inquiète notamment sur l’impact de l’ouvrage sur la nappe phréatique de la zone oasienne, faisant d’emblée état d’une «disparition de certaines espèces végétales spécifiques à la région».