Dimanche, la Commission électorale indépendante de Mauritanie a officiellement annoncé la victoire de Mohamed Ould Ghazouani à l’élection présidentielle qui s’est déroulée samedi à l’issue du premier tour. Avec 52,01% des voix, il succède ainsi à Mohamed Ould Abdel Aziz.
Au cours des deux dernières décennies, les relations entre la Mauritanie et le Maroc ont été marquées par des hauts et des bas. Sous le président mauritanien sortant, une crise diplomatique non déclarée a marqué les liens entre le Maroc et son voisin du Sud, constatée notamment par le retard dans la nomination des nouveaux ambassadeurs respectifs des deux pays et des visites d’officiels comptés sur le bout des doigts. Et parallèlement, Mohamed Ould Abdel Aziz a veillé, durant cette même période, à recevoir de nombreuses délégations du Front Polisario dans le palais présidentiel à Nouakchott. Le Maroc, pour sa part, accueillait à bras ouverts d’éminents opposants au régime d’Ould Abdel Aziz.
Un nouveau souffle aux relations maroco-mauritaniennes ?
Avec ce nouveau changement à la tête de la Mauritanie, est-ce enfin le beau temps dans le cadre des relations entre Nouakchott et Rabat ? C’est en tout cas l’image dessinée par le chercheur et politologue mauritanien El Hafed Ould El Ghabed. Contacté par Yabiladi ce lundi, il affirme que les relations entre la Mauritanie et le Maroc sous le nouveau président Mohamed Ould Ghazouani «seront marquées par un grand développement». Il évoque «des facteurs déterminants, comme le fait que Ould Ghazouani entretienne de bonnes relations avec la société marocaine, qu’il a suivi sa formation militaire à Meknès ou encore sa vision pour développer les relations extérieures» du pays de Chenguit.
«Les relations avec le Maroc sont considérées comme vitales et stratégiques pour la Mauritanie. Je m’attends à ce qu’il soit le président mauritanien qui permettra de développer ces relations et leur ouvre ainsi un nouvel horizon.»
Pour le politologue, le nouveau président mauritanien aura sa propre «touche» dans l’exercice du pouvoir et «sera donc légèrement différent d’Ould Abdel Aziz, même s'il conservera un pourcentage élevé des tendances du système actuel en matière de courage dans la recherche d’un rôle régional» de la Mauritanie, analyse-t-il. Il rappelle à cet égard que la Mauritanie n’avait pas de rôle régional avant l’arrivée du président Ould Abdel Aziz. «Mais Ould Ghazouani évitera toutefois les frictions avec le Maroc et l’Algérie», note-t-il.
La fin de «l’improvisation» sous Abdel Aziz
Le directeur du Centre maghrébin d’études stratégiques et professeur de sciences politiques en Mauritanie, Didi Ould Salek est aussi du même avis. Contacté par notre rédaction, il dit penser que «les relations entre la Mauritanie et le Maroc vont s’améliorer car le nouveau président est calme et rationnel, contrairement à son prédécesseur». «Il est dans l’intérêt du pays et du nouveau président d’établir de bonnes relations avec le Maroc en sa qualité de pays stratégique», ajoute-t-il. Rappelant les relations économiques, culturelles et sociales entre les deux pays, notre interlocuteur met aussi en avant le fait que «le royaume constitue la profondeur stratégique pour la Mauritanie et c’est dans l’intérêt des deux pays que leurs relations aboutissent à une sorte d’intégration».
«Je pense que le nouveau président est beaucoup plus sage que son prédécesseur. L’ère de ce dernier a été marquée par l’improvisation et la dominance de son tempérament dans de nombreuses décisions.»
Pour lui, la Mauritanie étant stratégiquement située entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, elle «doit utiliser cet avantage pour servir ses intérêts et constituer un pont dans la région sans entrer en concurrence avec les autres parties plus fortes et plus puissantes, comme le Maroc et l’Algérie».
Le Sahara occidental, la Mauritanie et la nouvelle vision d’Ould Ghazouani
Sur la question du Sahara occidental, El Hafed Ould El Ghabed souligne que le nouveau président a une «vision du conflit». Une raison pour laquelle «il a reçu un vote punitif en raison de sa franchise concernant la question sahraouie», nous déclare-t-il. En campagne électorale à Kaédi, ville au sud-est de Nouakchott, Ould Ghazouani a déclaré il y a deux semaines que «la naturalisation des Sahraouis est une trahison pour les Mauritaniens». «C’est pour cela que Biram Ould Dah Ould Abeid est arrivé premier à Nouadhibou», nous rapporte le politologue. «Ould Ghazouani a une position stratégique claire sur cette question et l’a bien comprise, car il est un ancien commandant de l’armée et un militaire. Cela lui permettra d’éviter les tensions survenues durant l’ère Ould Abdel Aziz.»
Pour le chercheur et politologue mauritanien, «les relations avec le Polisario vont aussi se poursuivre car la Mauritanie espère une résolution de ce dossier au niveau des Nations unies». «Recevoir des responsables sahraouis (du Polisario) n'est pas une indication d’une amélioration de ces relations, mais plutôt de l’intérêt de la Mauritanie de ce qui se passe dans la région», conclut-il.
Quant à Didi Ould Salek, il prévoit une «politique équilibrée avec le Maroc et l’Algérie» du nouveau président. Mais «il n’aura pas de relations spéciales avec le Polisario car il est issue d’une famille maraboutique qui tend généralement à établir de bonnes relations avec le Maroc et avec les communautés culturelles et souffies du royaume», nous précise-t-il.