Un vent d’optimisme souffle même dans l’industrie de la pêche marocaine. «Aujourd’hui on est très contents. Si les Européens veulent du poisson, ils n’ont qu’à venir au Maroc pour l’acheter», déclare Mohamed Bazine membre du Comité National de la Pêche Côtière. «Au Maroc, on a les patrons de pêche, les marins et les bateaux, on a tout pour nous occuper de ces poissons que les Européens ne veulent pas», s’exclame-t-il.
«Si les Européens ne veulent pas prolonger l’accord, ils font ce qu’ils veulent. Ils avancent l’excuse du Sahara, mais c’est un peu malhonnête. Ce n’est pas pour 36 millions d’euros que le Maroc va changer sa politique et renoncer à sa souveraineté. Qu’ils aillent au diable ! Le gouvernement a pris position de manière ferme et c’est bien», salue Hassan Sentissi Idrissi, Président de la Fédération de l’Industrie de la Pêche.
Un kilo de poisson acheté à 0,50 euros
Les 125 bateaux européens au total qui pêchaient au large des côtés marocaines ont tous dû partir. La plupart des navires autorisés sont espagnols et portugais, mais des navires français, italiens, britanniques, polonais et allemands en profitaient aussi.
Il faut savoir que les 36 millions d’euros que l’Union Européenne versait au royaume pour permettre à ces bateaux de pêcher dans les eaux marocaines représente une capture équivalente à 70 000 tonnes de poissons toutes espèces confondues.
«Si on divise les 36 millions d’euros par 70 000 tonnes, on arrive au final à un kilo de poisson à 0,50 centimes d’euros le kilo. Or nous, les Marocains on achète beaucoup plus cher le kilo de poisson», ajoute-t-il insistant sur le fait qu’au final c’est un accord qui n’était pas si avantageux pour le Maroc.
«L’Union Européenne a décliné notre offre, les 70 000 tonnes de poissons vont revenir aux pêcheurs marocains qui seront ensuite transformés et valorisés en boîte de conserve ou en produits destinés à la congélation».
En ce qui concerne la répartition de ces 70 000 tonnes de poissons entre les différents pays, Hassan Sentissi Idrissi répond :
«Il s’agit d’une cuisine interne. Peu importe pour nous qu’ils soient espagnols ou français. Nous, on a signé avec l’Union Européenne, c’est à elle de dispatcher entre ces pays. Mais de toute manière c’est elle qui est perdante parce qu’elle a un déficit de poissons équivalant à 5 milliards de dollars.»
L’Espagne désespérée
L’autre pays qui est également perdant dans ce dossier est l’Espagne. "Nous allons défendre cette flotte et les marins qui se retrouvent privés de travail", a déclaré Rosa Aguilar, la ministre espagnole de l'Environnement et du Milieu rural et marin, précisant qu'elle allait aussi militer en faveur de la renégociation d'un accord avec le Maroc.
Le pays a même demandé une compensation financière à l'Union européenne pour les dommages que va subir la flotte de pêche espagnole à la suite de cette annulation, une compensation s’élèvant à 30 millions d’euros pour deux mois et demi durant lesquels les pêcheurs espagnols ne pourront pas travailler, rapporte le site d’information Telecinco.
Une compensation de 30 millions d’euros qui équivaut presque aux 36 millions d’euros que l’Union Européenne ne souhaite pas verser au Maroc pour son poisson après avoir affirmé que l'accord revenait à un gaspillage de l'argent des contribuables européens et qu'il n'avait aucune incidence notable en termes économiques sur l'UE.
Pourtant les incidences en termes économiques sont lourdes. Selon les syndicats espagnols de la pêche, ce sont 6000 emplois dans le secteur qui sont en danger : 1000 emplois directs et 5000 indirects, précise le portail la razon.es
Les régions espagnoles les plus touchées par la rupture de ce contrat sont les Iles Canaries et la ville de Barbate dans la région de Cadix en Andalousie. Un coup dur pour l’Espagne qui affiche un taux de chômage de 22.8%.
Le cas du Portugal
Après l’Espagne, c’est le Portugal qui est désormais préoccupé par la situation de ses pêcheurs. Le pays soutient même l’Espagne dans sa demande de compensation, relate l’agence abc.es sans préciser si le Portugal a l’intention de faire une demande de compensation à son tour.
Cependant, le site insiste sur le fait que cinq eurodéputés portugais ont fait parti des 326 personnes qui ont voté contre le prolongement de l’accord avec le Maroc. Un lancé de boomerang qui revient en pleine face du Portugal. Ces cinq eurodéputés, explique le site, sont des représentants d’organisation de la gauche marxiste et du parti socialiste qui n’ont pas hésité à voter pour venir en solidarité au peuple sahraoui, sans prendre en compte la situation économique de leurs propres citoyens.