Abou Zeïd Abderrahman ibn Mohammed ibn Khaldoun al-Hadrami naquit le 27 mai 1332 d’une famille arabe originaire du Yémen. Il émigrèrent de Séville au début de la chute d’Al-Andalus, pour élire domicile à l’Ifriqiya (actuellement la Tunisie).
Là-bas, il étudia le Coran auprès d’érudits tunisiens grâce auxquels il apprit à interpréter les textes, tout en acquérant des bases solides dans les hadiths, la jurisprudence islamique, les sciences linguistiques et d’autres disciplines du savoir. Ibn Khaldoun se distinguait par sa soif d’apprendre, son esprit vif, son génie, et ses connaissances multidisciplinaires.
En effet, ce connaisseur était un savant encyclopédique à qui le savoir riche permit de poser les jalons de la sociologie moderne, tout en faisant partie de l’éminence des foqaha malékites maghrébins. A peine diplômé de l’Université Zitouna à Tunis, Ibn Khaldoun rejoignit la cour des Mérinides (1244 – 1465). Le sultan Abu Inan Faris (1348 – 1358) le désigna membre du comité scientifique de Fès, mais les choses changèrent rapidement. En effet, Abu Inan ordonna de mettre le savant en prison, après avoir appris que ce dernier préparait le retour des Hafsides (1207 – 1574) à Tunis.
Un savant au cœur des intrigues de pouvoir
«Le voyage d’Ibn Khaldoun» de Muhammad b. Tawit al-Tangi nota que «le règne des Mérinides fut marqué par des intrigues de pouvoir et des conflits politiques dont Ibn Khaldoun était toujours la victime, surtout sous le sultan Abou Inan Faris de Fès».
En effet, ce dernier avait appelé le savant à rejoindre le conseil scientifique princier après avoir entendu parler de sa grande renommée dans l’Ifriqiya. Mais la fin du règne de ce sultan qui avait pris sous son aile le voyageur Ibn Battuta fut entachée de dissidences. «Cette période, Ibn Khaldoun la passa en détention pour son engagement dans le jeu politique», nota la même source.
Au décès d’Abou Inan, Ibn Khaldoun fut relâché et gagna en notoriété scientifique. Au début de 1362, il se dirigea vers Grenade où il fût accueilli par le prince de Grenade, qui le chargea d’assurer la médiation avec le roi de Castille pour le maintien de la paix. Après cela, Ibn Khaldoun se rendit en Egypte, où il fût reçu par le roi Al-Dhaher Barquq qui le nomma juge en chef.
Dans son ouvrage éponyme consacré à Ibn Khaldoun, Omar Farouk Al-Tabaâ nota que le savant «enseigna dans le Maghreb, à Al Quaraouiyine à Fès, puis à Al-Azhar au Caire mais aussi à l’école Dhahiriya d’Alep, entre autres. Lors de son séjour en Egypte qui dura près d’un quart de siècle, Ibn Khaldoun exerça dans la magistrature à plusieurs reprises».
Pendant toutes ces années, Ibn Khaldoun écrivit dans différents domaines, de l’économie, à la philosophie en passant par la biologie. Mais ses ouvrages les plus célèbres de tous les temps restèrent «Le livre des exemples» (Kitab al-Ibar) et sa «Muqaddima» (Introduction).
Une œuvre fondatrice des sciences humaines contemporaines
Cette œuvre intarissable en savoir et en réflexion se composa de sept volumes, le huitième étant consacré entièrement à son index et l’ensemble de ses écrits se distinguèrent par ses théories fondatrices sur les lois de l’urbanisation et la asabiyya ( «la cohésion et l’unité sociales» dans les territoires arabes), ainsi que ses profondes réflexions sur l’édification des Etats, les cycles des régimes politiques et leur chute.
A ce propos, Muhammad b. Tawit al-Tangi écrivit qu’«aucun penseur et écrivain en arabe n’avait autant de succès qu’Ibn Khaldoun». Pour lui, «aucun des savants en histoire et en sociologie ne l’égalèrent, particulièrement pour sa Moqaddima et ses travaux qui créèrent le débat, associés depuis le temps à un large mouvement intellectuel arabe qui perça dans les domaines des sciences humaines».
Quant au géographe Yves Lacoste, il témoignât dans son livre «Ibn Khaldoun. Naissance de l’histoire. Passé du tiers-monde» : le plus «extraordinaire» dans la pensée d’Ibn Khaldoun était que ce dernier avait évoqué «nombre de questions posée par les historiens contemporains», en cherchant «des réponses à ces questions fondamentales dans l’analyse des structures économiques, sociales et politiques».
Et d’ajouter que «les travaux de recherche, d’analyse et d’écriture accomplis par ce génie maghrébin au XIVe siècle aident aujourd’hui à comprendre la problématique la plus saillante – sans aucun doute la plus tragique de notre temps – qu’est le sous-développement».
Ibn Khaldoun mourut au Caire (Egypte) en 1406. Il fut inhumé dans le cimetière soufi au nord de la ville et laissa une grande influence sur la pensée arabe et au-delà. Yusuf Ibrahim Qutrib l’écrivit avec brio à travers ces mots : «Ibn Khaldoun constitua une fierté en tant qu’icône, une figure du savoir et de la pensée arabe à al-andalous (…)»