A peine nommé chef de la diplomatie dans le gouvernement Benkirane I, Saâd-Eddine El Othmani décidait, sur une initiative personnelle, de réserver son premier voyage à l’étranger à l’Algérie. Armé de son seul sourire, il croyait en une normalisation par petits pas des relations avec le voisin de l’Est, laissant à plus tard les épineux problèmes du Sahara et des frontières fermées. Ainsi, il proposait à son homologue, Morad Medelci, de tenir une réunion tous les six mois au niveau des ministres des Affaires étrangères pour évaluer les relations tant sur le plan bilatéral que maghrébin et la relance de la commission mixte en rade depuis 1994.
Des propositions snobées par la partie algérienne. Deux mois après sa visite, il se rend à l’évidence que son déplacement fut un échec. Devant les membres de la commission des Affaires étrangères, de la Défense nationale, des Affaires islamiques et des Marocains résidant à l’étranger à la Chambre des représentants, il reconnaissait que les indicateurs «ne permettent pas d’annoncer une normalisation imminente entre les deux pays».
Malgré ses bourdes, El Othmani mieux traité que Benkirane
En juin 2013, toujours ministre des Affaires étrangères, il profite de la tenue d’une session de la commission mixte maroco-koweitienne pour rencontrer, en présence de l’ambassadeur du royaume, des membres d’une délégation des Frères musulmans conduite par le député Walid Mossaid Tabtabaï.
La réunion a suscité l’ire des autorités du Koweït. Elles l’ont, d’ailleurs, fait savoir à leurs homologues marocaines, sachant que l’émir Cheikh Sabah Al Ahmed avait accordé, quelques jours auparavant, une audience à El Othmani. L’ambassadeur Yahya Bennani sera le dommage collatéral de l’erreur commise par son supérieur hiérarchique. Le fils du général Abdelaziz Bennani a été rappelé à Rabat par le ministère des Affaires étrangères.
Presque deux semaines avant qu’il ne quitte le gouvernement lors du remaniement ministériel du 10 octobre 2013, il est l’auteur d’une autre polémique au siège des Nations unies à New York.
Le 22 décembre, le quotidien Haaretz révélait qu’El Othmani était parmi les ministres arabes conviés à une conférence animée par la ministre israélienne de la Justice Tzipi Livni sur les chances de paix au Moyen-Orient. Il commence par démentir la nouvelle, la qualifiant les affirmations du journal israélien de «mensonges». Puis, il admet sa présence à l’événement mais seulement durant le dîner ayant précédé l’intervention de Livni.
La diplomatie du chef de gouvernement
Après une période de quatre années d’absence forcée sur la scène gouvernementale, il effectue un retour triomphal en prenant la tête d’un cabinet hétéroclite.
Le 26 septembre 2018 à New York, il rencontre le chef de la diplomatie du Kosovo. Celui-ci affirme même qu’El Othmani lui a promis une reconnaissance de l’indépendance de la province par le Royaume. Une fois de plus, il dément par un tweet toute rencontre avec le ministre des Affaires étrangères du Kosovo, Behgjet Pacolli, mais sans vraiment convaincre.
Enfin, sept années après sa visite ratée en Algérie en 2012, il revient sur le même sujet par des déclarations unilatérales sur la situation politique dans ce pays, avant de nuancer ses propos un peu plus tard.
Mais dans l’ensemble et malgré ses fausses sorties, Saad-Eddine El Othmani n’a pas suscité la même tempête politique par rapport à son prédécesseur, Abdelilah Benkirane. Ce dernier avait été immédiatement lâché par une partie de sa majorité gouvernementale suite à ses critiques de l’intervention armée de la Russie en Syrie. On se souvient du communiqué du ministère des Affaires étrangères publié le 5 décembre 2016, qui sonnait comme un violent désaveu.