Y a-t-il un roi pour défendre la langue de Cervantes ? Les hispanistes marocains ont sollicité, hier, le soutien du roi d’Espagne Felipe VI et de la reine Letizia, lors de leur visite d’Etat au Maroc les 13 et 14 février, afin que la langue espagnole ne décline pas au sein du système éducatif marocain, lors d’une «rencontre sans précédent» entre le souverain espagnol et des chercheurs marocains spécialistes de la langue espagnole.
La réunion a eu lieu à la résidence de l’ambassade d’Espagne à Rabat, précise l’agence EFE. Une dizaine d’hispanistes marocains, qui se sont notamment distingués en tant que créateurs de fictions espagnoles, ont pris part à cette rencontre, ainsi que des chercheurs spécialisés dans l’étude des liens linguistiques et historiques de l’espagnol avec le Maroc. Leur principal message ? La langue espagnole doit bénéficier d’un appui des autorités ibériques, a expliqué à EFE Abderrahman al Fathi, l’un des chercheurs présents lors de la réunion.
«Cette sollicitation est évidente : cela fait des années que la situation de l’espagnol au Maroc se dégrade», observe Abdelaali Barouki, chercheur à l’Institut des études hispano-lusophones et vice-président de l’Association marocaine des études ibériques et ibéro-américaines, contacté par Yabiladi. «Après la crise économique de 2008-2009, le gouvernement et les autorités espagnols n’ont pas suffisamment appuyé les activités relatives à l’éducation et à l’enseignement de l’espagnol. Pas seulement au Maroc, mais dans tous les pays où il existe une représentation de cette langue, notamment avec les instituts Cervantes», ajoute-t-il.
Un constat qui s’observe «partout au Maroc» : «Dans toutes les villes du pays, dans les lycées, il y a des professeurs d’espagnol qui n’enseignent plus et se dédient au contraire à des tâches administratives.»
Des profils qui intéressent les entreprises espagnoles présentes au Maroc
Les intervenants ont également estimé que le gouvernement marocain fait la promotion de l’anglais et du français au détriment de l’espagnol, et sollicitent ainsi l’appui du roi d’Espagne. «Les étudiants pensent que l’anglais leur garantiront un avenir professionnel, mais ils ignorent que beaucoup d’entreprises espagnoles présentes au Maroc sont intéressées par des profils ayant un très bon niveau d’espagnol. Il faut tout un marketing linguistique pour pouvoir communiquer sur ces besoins», souligne Abdelaali Barouki.
C’est sans compter l’élite marocaine, majoritairement francophone, qui semble également lui faire de l’ombre, réduisant ainsi l’espace que cette langue pourrait occuper dans le paysage linguistique du royaume. «Même si la Constitution appuie l’apprentissage des langues stratégiques pour le Maroc – en l’occurrence le français, l’anglais et l’espagnol –, le déclin de cette langue est dû au faible pouvoir de l’élite espagnole dans les décisions politiques. L’élite politique est avant tout francophone ; elle ne s’inscrit pas dans une perspective pour encourager l’espagnol dans le domaine de la recherche, de l’enseignement et de la coopération bilatérale», nous avait déjà expliqué Abdelaali Barouki.
Récemment pourtant, le directeur de l’institut Cervantes de Rabat, Javier Galván Guijo a indiqué que l’enseignement de la langue espagnole dans les centres culturels espagnols au Maroc a connu une nette progression au cours des dernières années. En 2018, l’activité académique du réseau de l’institut Cervantes au Maroc a connu une croissance de 16,16% par rapport à l’année 2017. En 2017, 11% d’étudiants marocains en plus qu'en 2016, ont concrétisé leur volonté d’apprendre la langue de Don Quichotte.