Quelques heures après le kidnapping de ces trois coopérants européens, le Polisario a ouvertement accusé les terroristes d’Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) d’être derrière les enlèvements. D’ailleurs le chef du Polisario Mohamed Belaziz a envoyé une lettre au Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki Moon dans laquelle il déclare :
"Cette attaque contre de paisibles camps de réfugiés sahraouis, femmes, enfants, personnes âgées, handicapés, représentants d'organisations internationales et d'ONG, vise à intimider les coopérants étrangers, altérer la solidarité internationale avec ces réfugiés et resserrer l'étau sur eux en les privant de l'aide humanitaire internationale".
Interview avec le politologue Mohamed Darif.
Yabiladi : L’enlèvement de ces otages est-il un signe de faiblesse pour le Polisario ?
Mohamed Darif : Bien sûr que c’est un signe de faiblesse. Le Polisario ne prend pas au sérieux les variables sécuritaires dans la région. Il est censé et devrait contrôler Tindouf. Le fait que des inconnus réussissent à kidnapper des ressortissants européens dans ces camps, il y a là une responsabilité symbolique du Polisario. C’est facile d’accuser Aqmi. Le Polisario cherche à se placer comme victime. Il ne faut pas oublier que ces dernières années le Polisario est accusé d’avoir des relations étroites avec Aqmi. Il cherche tout simplement à se blanchir.
Cela fait quatre jours que Mouammar Kadhafi a été tué. Quel sera l’impact de sa mort sur les activités du Polisario ?
M.D : La mort de Kadhafi est un mauvais point pour le Polisario. Kadhafi était un allié politique et financier de poids. Auparavant, les membres du Polisario recevaient de l’argent de Kadhafi. Maintenant, ils ont tout perdu. Le Polisario va rencontrer dorénavant des problèmes de ressources. Il va chercher à tout prix à en trouver. C’est une hypothèse, mais je crains que l’enlèvement des ressortissants européens ne devienne un moyen facile pour avoir de l’argent. On se souvient tous de ce qui s’est passé l’année dernière. Le gouvernement espagnol a été obligé de verser 8 millions d’euros pour libérer deux otages espagnols. Celui qui était derrière l’enlèvement, était Omar Sid Ahmed Ould Hamma, plus connu sous le nom de "Omar le Sahraoui » Il était un pro-polisario. Il les avait kidnappés puis remis ensuite à Aqmi.
Aujourd'hui, Aqmi mène une politique de sous-traitance, c'est-à-dire qu’il y a des petits groupes indépendants qui kidnappent des otages et qui les remettent à Aqmi pour avoir de l’argent. Il faut garder en tête que pour Aqmi, il est très facile de recruter des terroristes à Tindouf. Les gens mènent là-bas une vie extrêmement difficile et l’une des raisons qui les mènent à rejoindre Al Qaïda l’argent. Al Qaïda n’hésite pas aussi à utiliser l'extrémisme religieux pour les recruter.
Quel rôle devra jouer l’Algérie à l’avenir après la mort de Kadhafi ?
M.D La chute de Kaddafi va avoir un impact sur toute la région du Sahel, que ce soit au Mali, Niger et en Mauritanie.
De son côté, l’Algérie a tout intérêt à revoir ses équations politiques. Elle va devoir prouver sa bonne volonté à mieux lutter contre Al Qaïda. Cela va passer nécessairement par des échanges et des discussions étroites avec le Maroc.