Cheveux grisonnants, les sillons du visage creusés par le temps, les mains marquées par les décennies de dur labeur, les chibanis ont payé de leur santé la reconstruction de la France après la Seconde Guerre mondiale, tout en soutenant leur pays d’origine via les transferts d’argent.
Les forçats des Trente Glorieuses ont vu les années s’égrainer. Les plus chanceux les ont passées avec leur famille à leur côté à la faveur du regroupement familial. De nombreux autres n’avaient pour seule famille que leurs voisins du foyer Sonacotra (rebaptisé foyer Adoma). La famille restée au pays ne revoyait le père émigré que quelques mois dans l’année. Un père par intermittence qui n’a jamais pu concevoir la gravité de son absence du pays, ni profiter de sa présence en France.
Aujourd’hui, le chibani, ce Maghrébin aux cheveux gris, est à la retraite. Une maigre pension qui le met dans un dilemme : Rester en France et vivre chichement, ou profiter de ses vieux jours en rentrant au pays où la vie est moins chère ? Bénéficier de la couverture maladie et du système de santé en France ou tenter de rattraper les années perdues auprès des siens dans sa terre natale ?
«Choisir, c’est renoncer», affirmait André Gide. Mais pourquoi devoir choisir et renoncer à ce qui revient de droit ? Leurs camarades ouvriers de nationalité française n’ont jamais eu à renoncer à leur assurance maladie s’ils partaient vivre quelques mois loin de l’Hexagone. Tous ayant cotisé de la même manière, les chibanis non français devraient bénéficier des mêmes droits. Quelques associations, une poignée de femmes et d’hommes politiques ont récemment corrigé cette injustice.