Parallèlement à l’offensive française en Algérie (1830), les zones d’influence de Moulay Abderrahman (de 1822 à 1859) s’étendaient jusqu’à certaines régions du pays voisin. Ses prétentions de gagner du terrain vers l’est grandirent surtout après en avoir chassé les Ottomans (1299 – 1923).
Mais face à la colonisation française qui devint rapidement une réalité, le sultan alaouite fut contraint de se retirer de ces régions-là, même si les populations lui avaient prêté allégeance. De ce fait, il soutint toujours ses voisins algériens face à la présence impérialiste.
Appuyé par Moulay Abderrahmane, le chef religieux et militaire l’émir Abdelkader (de 1832 à 1847) mena une campagne farouche contre la présence française. L’ouest algérien lui préta alors allégeance en 1832, puis la population locale se mobilisa autour de lui pour constituer les moudjahidines.
Cet engagement armé porta ses fruits, faisant essuyer à l’armée française plusieurs échecs. Mais à partir de 1839, la force coloniale prit le dessus en adoptant la stratégie de la terre brûlée. Des milliers d’hectares de terres agricoles furent dévastés, de même que des villes et villages.
Moulay Abd-er-Rahman, Sultan du Maroc, sortant de son palais de Meknes, entouré de sa garde et de ses principaux officiers / Eugène Delacroix - 1845
L’alliance entre l’émir Abdelkader et les Alaouites
Intitulé «Le gouvernement marocain et la conquête d’Alger», l’ouvrage du chercheur algérien Ismaël Hamet revient longuement sur cette partie de l’histoire, expliquant que l’émir des moudjahidines fut ensuite contraint de quitter l’Algérie. «Lorsque les ennemis gagnèrent du terrain, l’émir trouva refuge au Maroc oriental, en suivant les bordures du Rif pour se retrouver à Oujda, où il fut chaleureusement accueilli», écrivit le chercheur décédé en 1932.
En revanche, cet ancien interprète militaire indiqua que l’émir exprima son refus de l’allégeance que la population lui préta. Il exprima son rejet par ces mots :
«Je ne suis venu sur la terre du sultan ni pour m’accaparer de son pouvoir ni de prendre possession de ses terres car cette attitude est totalement insensée.»
Avant même de poser pied sur le territoire du sultan, l’émir se considérait justement comme l’un des représentants de Moulay Abderrahmane. Il revendiqua également que son pouvoir et son influence sur toute cette région du Maghreb étaient rattachés au sultan. En octobre 1889, il envoya à ce dernier «les cadeaux reçus de la part de la France» dans le cadre du traité de Tafna, signé le 30 mai 1837 et prévoyant une trêve avec l’armée de l’émir.
Ce qui confirmait davantage le rattachement du chef moudjahid au pouvoir du sultan marocain étaient les prêches du vendredi, donnés au nom de Moulay Abderrahmane dans l’ouest algérien, sous l’instruction du guide armé. Dans son ouvrage, Ismaël Hamet rappela que même en remportant moultes batailles, le résistant Algérien ne prétendit guère à proclamer son règne sur la région et il tint à le rappeler dans sa correspondance avec le dirigeant alaouite.
«Le peuple algérien est désormais uni et nous avons rompu avec le passé. Les moyens à la disposition de notre armée sont abondants, grâce à votre bénédiction sur nous, sans laquelle j’aurais été l’homme le plus faible et inapte à remplir de telles responsabilités. A cet instant, nous requérons auprès de votre excellence de mobiliser l’un de vos fils pour nous gouverner. Je serai le premier à œuvrer pour être au service de votre envoyé et mobiliserai tous les moyens possibles à cet effet.»
Ismaël Hamet indiqua qu’en réponse, le sultan alaouite recommanda à l’émir Abdelkader de continuer le djihad de là où il se trouvait. Les historiens expliquaient cet attachement à la dynastie alaouite par la conscience du leader algérien de la force que constituait le Maroc à l'époque, au niveau des ressources militaires et humaines.
La bataille d'Isly en 1844 / DR
L’alliance stratégique contre la France
L’Angleterre comptait parmi les alliés les plus stratégiques de Moulay Abderrahmane dans sa lutte contre l’impérialisme français qui menaçait son territoire, ce qui importait beaucoup aux yeux de l’émir Abdelkader. Autre raison de cet attachement, la bataille contre l’impérialisme français était motivée par des raisons religieuses, ce qui poussa le guide algérien à préconiser l’union avec le pouvoir marocain. De son côté, l’occupation française avait tenté de pousser Moulay Abderrahmane à se désolidariser de l’émir, mais rien n’y fit.
Pendant toutes ces années, le Maroc resta attaché à l’émir Abdelkader et l’Algérie, ce qui enlisa les relations avec la France au point de mener une offensive contre les hommes de Moulay Abderrahmane. Les crispations donnèrent lieu à la bataille d’Isly, le 14 août 1844, après laquelle l’armée occupante put imposer de nombreuses contraintes au Maroc. Ces exigences furent actées en vertu de l’accord de Maghnia en 1845, qui traça des frontières floues entre les deux pays. Le traité, lui, ouvrit la porte à l’intrusion française dans le royaume chérifien jusqu’à y mettre en place son protectorat en 1912.