Une quinzaine de migrants issus du groupe renvoyé de Ceuta le 23 août ont été inculpés au Maroc. Parmi eux, 17 ont été condamnés à deux mois de prison ferme et une amende 500 dirhams après avoir été jugés pour «immigration illégale avec recours à la violence» et «usage de faux documents d’identité».
Une sentence considérée comme «injuste» selon le juriste et président de l’Association marocaine pour l’intégration des immigrés (AMII), Ahmed Kalifa. Néanmoins, la sentence «a été la plus faible possible», étant donné qu’ils étaient poursuivis pour des faits conduisant à des peines allant jusqu'à trois ans de prison, précise-t-il au site espagnol Publico.
Une sentence inédite mais surtout injuste
L’association Manos Solidarias (Mains solidaires, en français), basée à Tétouan, ainsi que l’Association marocaine pour l’intégration des immigrés, qui ont mandaté des avocats pour les migrants se disent soulagées. Et pour cause, il s'agit de la deuxième fois qu’un groupe de migrants, ayant tenté de franchir la double clôture de l’enclave, dispose d’un avocat dans un tribunal marocain, souligne Ahmed Kalifa.
«Nous l'avons fait l'année dernière. Nous avons rendu le procès un peu plus juste et les migrants ont eu la possibilité d’avoir quelqu'un pour défende leurs droits»
De plus, ce type de jugements n’est pas fréquent au Maroc, précise-t-il. Il s’agit du deuxième de ce genre, car, quand des expulsions massives se produisent, le nombre de migrants est assez élevé au point qu'on les laisse rentrer au Maroc.
Pour les avocats, l’Espagne est en partie responsable. Comme ils l’expliquent, cette condamnation fait suite à l’expulsion massive opérée par l’Espagne, qui a invoqué l’accord établi entre le Maroc et l’Espagne datant de 1992.
Des James Bond et Mbappé parmi les migrants expulsés
Mais si cet accord prévoit effectivement la reconduction des ressortissants de pays tiers qui traverseraient sans permission les frontières entre le Maroc et les deux enclaves espagnoles, Ahmed Kalifa précise que «le texte ne stipule en aucun cas un jugement des migrants rapatriés au Maroc».
«Le Maroc doit les reconduire, le plus rapidement possible, à leur pays d’origine ou au pays d’où ils sont entrés, soit généralement l’Algérie ou la Mauritanie. Mais le procès n’est pas une possibilité.»
Le pays ibérique n’aurait pas également rempli sa partie du contrat, car«l’identification correcte de 116 migrants en une seule nuit est impossible», souligne Ahmed Kalifa, pour qui la procédure effectuée par les autorités espagnoles n’était qu’une «blague». Des accusations qui sont tout de même corroborées par les avocats présents cette nuit-là à Ceuta.
De plus, parmi les 20 migrants présentés devant le juge, «l’un d’eux a été reconduit sous le nom de James Bond et un autre sous le nom de Mbappé», précise un fervent défenseur de cette cause au site local El Faro de Ceuta.
Dans un groupe de 116 migrants expulsés le 23 aout, seuls 20 ont été présentés devant le tribunal de première instance à Tétouan. Les deux associations assurent ne pas avoir de nouvelles des 96 autres migrants qui «n’ont été ni poursuivis ni jugés». Selon les membres de la société civile, les migrants auraient été déportés de force vers des zones du sud du pays. Ceux qui ont été condamnés sont déjà en prison, précise la partie civile qui fera appel de la décision dans les prochains jours.