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Grand Angle

Maroc : Psychologue cherche reconnaissance

Le métier de psychologue souffre d’un vide juridique et d’une absence de cadre réglementaire, ouvrant ainsi la porte à des praticiens qui usurpent le titre, et encouragent les pratiques douteuses de charlatanisme.

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Une étude a été mise en place par Omar El Bouanani et Ayman Elmajdouli sur «l’exploration des facteurs qui empêchent la construction d’une identité du psychologue marocain». DR
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Quelle est la différence entre psychologue, psychanalyste et psychiatre ? Si vous bottez en touche à cette question, c’est certainement parce qu’au Maroc, le métier de psychologue n’est pas régi par un statut juridique clairement défini – alimentant ainsi la confusion –, tout comme les activités qui prétendent en découler, comme le coach, le psychanalyste ou l’éducateur spécialisé.

«Si vous pensez que le psychologue est un médecin spécialiste qui traite les personnes souffrant de troubles psychiques à l’aide de médicaments psychotropes, cet article vous donne une idée plus ou moins claire et vous offre l’opportunité de percevoir que les images relatives au métier du psychologue qui circulent dans notre société sont déformées voire biaisées», explique Omar El Bouanani, psychologue du travail au CHU de Marrakech, dans un texte intitulé «Le psychologue au Maroc : ‘‘entre représentation sociale et métier déformé’’», diffusé sur Facebook en janvier dernier.

Contacté par Yabiladi, le praticien s’épanche : «Il y a une énorme ambiguïté qui est liée à l’appréciation statutaire et réglementaire de l’exercice de cette profession au Maroc, qui n’est pas encore établie. Dans le secteur public ou semi-public, on ne bénéficie pas d’un statut de psychologue, seulement d’administrateur 2ème grade avec option psychologue.»

«Un noyau culturel nourri par la religion»

Ce vide réglementaire, alimenté par l’absence d’«une culture psychologique de masse au Maroc», participe à la déformation de cette discipline, «encore très jeune dans notre pays, mais très attractive auprès du grand public», souligne Omar El Bouanani.

«Nous vivons dans une société qui continue de croire à des forces spirituelles, en lien avec la religion. Certaines personnes n’ont pas le recul nécessaire par rapport à ce genre de prise en charge psychologique. J’ai reçu des gens qui m’avaient été adressés par des fqih. Les cas d’épilepsie et d’hystérie sont notamment de très bonnes cibles pour eux. Les fqih renvoient les personnes qui n’ont pas d’argent vers des psychologues ou des médecins, et aux autres, ils leur disent qu’ils sont possédés, que quelqu’un leur a jeté un sort, que c’est le mauvais œil. C’est un noyau culturel nourri par la religion», confirme Ayman Elmajdouli, lui aussi psychologue du travail au CHU de Marrakech. La croyance populaire voudrait donc que les personnes qui consultent ne soient autres que «des fous, des gens atteints de maladies mentales graves».

Ce flou juridique a également ouvert une brèche à des praticiens peu scrupuleux ; des psychologues qui n’en ont que le nom, usurpant ainsi le titre. «Certains n’ont même pas de diplôme ou de formation en psychologie. Nous recevons de plus en plus de patients qui se plaignent de la mauvaise prise en charge, quand d’autres racontent carrément avoir fait l’objet de harcèlements de la part de leur thérapeute», déplore Ayman Elmajdouli. «Il y a bien sûr des patients qui sont exploités – autant moralement que financièrement – par des praticiens dont le sens de l’éthique est totalement rompu, mais aussi des consultations mal menées qui conduisent à des problèmes de décompensation. Dans ce cas, l’état psychologique du patient est aggravé, ça peut aller jusqu’au suicide», abonde Omar El Bouanani.

La prise de conscience de ces abus s’opère toutefois lentement mais sûrement, observe Ayman Elmajdouli. Avec son confrère, il a mis en place une étude dédiée à «l’exploration des facteurs qui empêchent la construction d’une identité du psychologue marocain» – une première dans le royaume. Il est également question d’aborder «la représentation des psychologues sur eux-mêmes, de décortiquer le vide juridique et d’inciter les autorités à réglementer cette profession». Pour l’heure, le binôme se consacre à la récolte des données. «On vient de terminer les questionnaires, on va bientôt commencer les entretiens avec les psychologues.»

Quelle différence entre psychiatre, psychologue et psychanalyste ?

«Il faut savoir que le psychologue ne prescrit jamais de médicaments, il s’appuie sur des techniques opérationnelles, communicationnelles et psychothérapeutiques pour répondre aux besoins de ses sujets dans une logique déontologique basée sur le respect de leurs intégralités physiques et mentales quels que soit leurs âges, sexes ou convictions religieuses», rappelle Omar El Bouanani.

Le psychiatre est médecin avant tout, il pourra par conséquent démêler les problèmes d’ordre psychologique et les symptômes derrière lesquels il faut soupçonner une maladie physique, résume le site e-psychiatrie.fr. Le psychologue garantit quant à lui des qualités d’écoute et de thérapie. En revanche, n’étant pas médecin, il n’effectue aucune prescription et ne peut émettre de feuille de soins. Enfin, le psychanalyste n’est pas forcément psychiatre ou psychologue. Il s’agit simplement d’un thérapeute qui traite les difficultés d’ordre psychologique ou névrotique, rappelle Psychologies Magazine.

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