Le jeudi 28 juin, lors d’un débat parlementaire aux Pays-Bas, le sujet à l’ordre du jour a été incontestablement les lourdes peines auxquelles sont condamnés 53 manifestants du Hirak. Dans une allocutions devant le parlement, le ministre néerlandais des affaires étrangères, Stef Blok, a demandé aux militants «maroco-néerlandais de faire attention», une fois au Maroc.
Le ministre rappelle qu’une fois sur le sol marocain, les autorités considèrent les ressortissants néerlandais ayant la nationalité marocaine comme des Marocains uniquement. Tout en craignant que les activistes soient arrêtés sur cette base, la député du PvdA, Lilianne Ploumen, évoque même l’existence d’une «liste de noms de sympathisants maroco-néerlandais».
Contacté par Yabiladi, Habib El Kaddouri, ancien porte-parole de la Fondation pour les Néerlando-marocains affirme que «beaucoup de militants du Hirak aux Pays-Bas ont peur d’aller au Maroc, car ils ont peur d’être arrêtés là-bas». Ce sentiment se serait renforcé après l’arrestation du militant belge, Wafi Kajoua, il y a trois semaines, au poste-frontière entre l’enclave espagnole de Melilla et la province de Nador.
D’un ton plus rassurant, l’ambassadrice des Pays-Bas au Maroc a fait savoir que les ressortissants marocains de son pays «n’ont rien à craindre», toujours faut-il qu’ils «se comportent normalement» une fois au Maroc.
Peur de rentrer au Maroc
Une affirmation qui n’a pas eu l’effet désiré, d’autant plus que le débat reste très animé chez la communauté marocaine. Pour Abdelghani Ababou, un Marocain résidant aux Pays-Bas, «les déclarations de l’ambassadrice sont très étranges. Qu’est-ce qu’un comportement normal ?. «Je pense que la démonstration et l’expression de mon opinion sont aussi un comportement normal», a-t-il déclaré au site Trouw.
Rachid A., 38 ans, va encore plus loin et affirme «boycotter le pays», par peur d’être arrêté. En effet, il affirme soutenir activement le Hirak, en ayant participé à toutes les manifestations aux Pays-Bas et à deux autres au Maroc. De plus, il est très actif sur les réseaux sociaux.
«Etre arrêté à cause des manifestations ne me fait pas peur. Je défends les droits de l’Homme et je souhaite que mes amis et ma famille au Maroc bénéficient de plus de droits, d’une meilleure éducation et de meilleurs soins. Je ne fais rien de mal, mais j’ai peur qu’ils m’accusent d’autres chose.»
Au pays des tulipes, Abdel G. 61 ans, a laissé derrière lui ses frères et sœurs, ses neveux et sa mère. Durant les années 1990, il a fui le pays à cause de l’oppression dans le Rif. Beaucoup de ses amis ont été arrêté durant ces années-là, comme il le raconte :
«Je dis toujours que je suis un zombie. Je suis mort depuis longtemps. Dans mon cœur, ma famille, mes amis et mon pays me manquent, mais si vous ne vivez pas en liberté et que vous êtes opprimés, alors vous n’avez pas de vie.»
Pour rappel, 53 personnes ont comparu devant la septième chambre de la Cour d’appel de Casablanca, à la suite des manifestations que la région du Rif vit depuis mai 2017. Parmi eux, le chef de file du Hirak du Rif, Nasser Zefzafi, a été condamné à 20 ans de prison ferme, de même que Nabil Ahamjik, Ouassim Boustati et Samir Ighid.