Les mineurs marocains errant à la Goutte-d’Or continuent de donner du fil à retordre aux responsables associatifs. Lundi, le média Brut a diffusé le témoignage d’Alexandre Le Clève, membre de l’association Trajectoires, spécialisée dans la prise en compte des populations migrantes habitant en bidonvilles et squats en France.
Avec Olivier Peyroux, sociologue de formation, ce juriste vient de publier un rapport concernant ces jeunes migrants marocains, sur la base de données recueillies lors de missions effectuées au Maroc, en Espagne et en France entre décembre 2017 et avril 2018.
D’après les observations d’Alexandre Le Clève sur le terrain, il s’agit de jeunes de 10 à 17 ans, venant pour la plupart du Maroc (Fès, Tanger, Rabat, Casablanca), mais aussi d’Algérie. S’ils évoluent par ailleurs principalement à Paris, d’autres, notamment originaires d’Oujda, ont investi des squats de Rennes, dans l’ouest de la France, selon le journal régional Ouest-France.
«On a des profils différents, soit des jeunes qui sont déscolarisés, en rupture sociale et familiale au Maroc, des jeunes qui sont quand même en lien avec leur famille, qui peuvent être issus même de classe moyenne (…) C’est vraiment un profil très particulier de jeunes, très jeunes, qui peuvent être en bande, avoir des problèmes en termes de consommation de drogue et être auteurs de faits de délinquance», explique Alexandre Le Clève.
Ecstasy et Rivotril
Une vulnérabilité qui fait d’eux des proies faciles : sur Paris, ils feraient en effet l’objet de «cobayes» pour tester de l’ecstasy, «même si cette hypothèse reste à confirmer», précise le responsable associatif. Dans leur rapport, Alexandre Le Clève et Olivier Peyroux soulignent pourtant que leur consommation semble si élevée que la désinhibition provoquée par la prise de stupéfiants les rend «très facilement utilisables pour des vols à la personne».
«Très peu de mineurs marocains semblent se livrer la vente à la sauvette de cigarettes et de haschich, très visibles dans le quartier (…) L’état psychique et physique des mineurs marocains, ainsi que leur niveau de consommation, les rendent peu aptes au travail de revendeurs qui nécessite d’être présents au même endroit sur des amplitudes horaires très importantes. [Ils] sont utilisés de manière nettement plus opportuniste par les receleurs les incitant à opérer des vols à l’arraché (téléphone portable, bijoux et autre). Les modes d’emprise reposent majoritairement sur leur poly-dépendance (ecstasy, benzodiazépines, haschich et autres), qui est encouragée et s’en trouve renforcée», lit-on dans le document.
Les associations et chercheurs d’autres pays européens, avec lesquels les auteurs de l’étude ont effectué des maraudes à la Goutte-d’or, ont indiqué qu’ils n’ont «jamais vu ces mineurs (dont certains qu’ils connaissaient) consommer autant de produits aussi intensément». D’après les éducateurs de rue, les nouveaux arrivants dans le quartier se voient proposer de l’ecstasy et du Rivotril, un médicament antiépileptique dont le risque de dépendance est très élevé. Ainsi, «totalement désinhibés, ils deviennent très facilement utilisables pour des vols à la personne».
Des tendances à la délinquance qu’évoquait déjà Séverine Canale, responsable de communication de l’association Hors la Rue, en mars 2017. «Il y a une grosse tension dans le quartier de Barbès qui les pousse à subsister et commettre par conséquent des actes de délinquance par faute de choix. Ça reste des mineurs vulnérables en grande souffrance, d’autant que la toxicomanie engendre chez eux des comportements qu’ils ne maîtrisent pas forcément. La consommation peut ainsi les rendre violents», nous disait-elle.