L’immigré est porteur de son identité. Se voir mépriser ou ségréguer pour son ethnie, sa religion ou globalement pour sa culture, ses différences, provoque des réactions négatives, et parfois un sentiment de vengeance naît. Une radicalisation des idées peut être poussée à l’extrême, mettant l’accent sur l’aspect identitaire le plus attaqué, comme une manière de s’autodéfendre.
- Pourquoi l’interculturalité ?
Né dans les années 1980 en Europe, le concept d’«interculturalité», a connu son émergence à travers une catégorie sociale «issue de l’immigration». Derrière cette génèse, les descendants de l’immigration ouvrière des années 1960. Parallèlement, s’est posée la problématique de la double-culture, formulée à l’époque en termes d’«écartèlement entre deux cultures». Aujourd’hui, dès qu’il est question de publics immigrés, quels qu’ils soient, on ne parle plus seulement d’action sociale ou culturelle, mais aussi d’interculturalité.
L’interculturalité consiste donc à créer l’interaction pour appréhender les relations avec des personnes issues d’horizons culturels différents, sans les juger ou les hiérarchiser par rapport à d’autres. C’est l’art de gérer la diversité (inclure la culture nationale du pays d’accueil comme composante de la diversité) en la rendant synonyme de richesse, d’opportunités, de chances à saisir, et non pas une menace ou un danger contre lequel il faut lutter.
Dans la rencontre entre le soi et l’Autre, le soi a tendance à généraliser ses propres valeurs, traditions et pratiques comme étant non seulement les meilleures mais aussi les seules valables. Cette tendance, identifiée par l’anthropologie sous le vocable de l’ethnocentrisme, peut prendre d’autres formes plus spécifiques (racisme, sexisme, classisme), menant à plusieurs formes de discrimination et de marginalisation.
Dans une orientation interculturelle, ce serait le contact avec l’Autre qui doit permettre au soi de se voir comme Autre. Autrement dit, avoir une orientation interculturelle permet de saisir que le soi n’est pas capable de comprendre ou d’accepter la différence de l’Autre, sans avoir compris que sa façon d’être n’est pas universelle. Une compréhension qui est favorisée par le contact avec la différence de l’Autre.
- Pourquoi Rabat ?
La ville de Rabat constitue le champ des interactions interpersonnelles au niveau le plus microscopique par excellence (dans les espaces publics, au niveau du voisinage, des universités, des internats…). C’est cette particularité qui donne à la ville le pouvoir d’être un noyau de l’interculturalité.
Rabat est la capitale administrative du Maroc. Une ville dynamique, évoluant en permanence et abritant notamment toutes les représentations internationales actives au Maroc (ambassades, consulats, missions diplomatiques, institutions onusiennes ou régionales, organismes non-gouvernementaux…). C’est aussi une destination pour plusieurs ressortissants évoluant dans divers domaines, de l’économie jusqu’à l’art.
- Festival Migrant’scène, une initiative de la société civile
Depuis 2010, le GADEM (Groupe antiraciste d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants) et la Compagnie artistique DABATEAR organisent le Festival Migrant’scène – Rabat, avec le soutien de l’Institut français de Rabat, de la Cimade et depuis 2013, de la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC).
Cet évènement œuvre à favoriser la rencontre entre les différentes populations locales et étrangères présentes au Maroc. Plus que cela, il se veut une réelle occasion d’échange et de réflexion autour des questions liées aux migrations, à l’interculturalité et à la situation spécifique du Maroc en tant que pays de départ, de transit et de destination.
Il met l’accent sur la diversité et la mixité qui sont présentes au sein du public, sur scène (participation d’artistes amateurs et professionnels et de personnes de différentes nationalités dans les créations et les résidences) et dans l’organisation même du festival.
- L’Afrique en Capitale
Du 28 mars au 28 avril, Rabat a accueilli un mois d’intenses activités culturelles : 36 manifestations dans 18 lieux, offrant un programme gratuit et accessible à tous. Des expositions d’arts plastiques et d’objets du patrimoine, des concerts de musique et des projections de films, des conférences…
Ph. Bahija Jarmouni
Le chemin est encore long !
Le pas vers l’interculturalité est déjà franchi à Rabat : L’intension est réelle et les moyens sont là. Mais pour réussir, il faut faire participer les citoyens avec les immigrés dans la création et la réalisation des événements interculturels, et non pas les limiter en audience, afin justement de créer cette curiosité de connaitre l’Autre.
Les quartiers Takadoum, Nahda, Douar Kora, sont des lieux où les immigrés subsahariens partagent leur quotidien avec les Marocains. Ces quartiers doivent être des ateliers de création et d’interaction à ciel ouvert, faisant la part belle aux activités interculturelles de musique, de sport, de danse, de coiffure, de poésie, de couture, de peinture… Pourquoi ne pas organiser un prix pour récompenser le quartier ayant concrètement franchi le pas d’un véritable vivre-ensemble ? Ou encore un prix pour la faculté la plus inclusive en matière de mixité socio-culturelle ?
Les autorités sont invitées à inscrire la ville de Rabat comme cité interculturelle pour pouvoir avoir le guide de la cité interculturelle, pouvoir appliquer les expériences réussites dans les autres cités interculturelles. Le chemin est encore long, mais dans un monde en proie à la haine, à la xénophobie et aux crispations identitaires, l’interculturalité est peut être le remède.
Le grand et immortel Martin Luther King le disait si bien : «Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.»