Menu

Interview  

Maroc : Un médecin dans la tourmente après avoir révélé des affaires de corruption [Interview]

Mehdi Echafiî, pédiatre et chirurgien au centre hospitalier provincial de Tiznit, alerte souvent sur les dysfonctionnements de son secteur professionnel. Au même moment, il fait l’objet de harcèlements de la part de son administration, qui lui reproche, entre autres, de ne pas faire opérer des patients.

Publié
Ph. DR.
Temps de lecture: 4'

Dans une récente vidéo, datée du 23 février, Dr Echafiî raconte avoir reçu une commission d’enquête à l’improviste, alors que de telles visites doivent être notifiées au moins 24h plus tôt. Ainsi, il indique avoir été apostrophé au cœur du bloc où une opération était en cours. Les fonctionnaires ayant demandé à le voir lui ont adressé une demande d’explication écrite, à l’intérieur même de la salle d’opération.

Auprès de Yabiladi, le médecin revient sur un épisode qui n’est que le dernier d’une longue série.

Quel est le contexte où vous avez commencé à recevoir des correspondances administratives de la part de la délégation provinciale ?

J’ai commencé à déplorer les conditions de travail à l’hôpital provincial, depuis ma mutation de Guelmim à Tiznit, en 2017. En effet, je me suis retrouvé dans un espace opératoire que partagent des patients adultes et enfants, au moment où les médecins tentent de mettre en place des blocs de pédiatrie dans d’autres hôpitaux. Par ailleurs, le matériel manque énormément. Une fois que j’ai commencé à mettre le doigt sur ces dysfonctionnements, l’administration a commencé à me pénaliser indirectement.

Par ailleurs, j’ai demandé à avoir un bureau digne d’un médecin et du matériel chirurgical pour pouvoir opérer les enfants. On m’a dit que je demandais trop, alors que je pouvais très bien passer mon temps à référer les patients vers des cliniques privées, ou d’autres centres hospitaliers. Que ce soit le cas ou que je travaille ici cinq jours par semaine, comme je fais maintenant, mon salaire versé par l’Etat est le même. Je pouvais m’en contenter.

Mes revendications ont suivi l’échelle hiérarchique, avec des dépôts d’écrits auprès de l’administration de l’hôpital. Lorsque mes correspondances ont commencé à gêner, le directeur de l’hôpital m’a adressé lui aussi des écrits, contestant ma manière de travailler en rapportant les faits sur le décès d’une fillette que j’avais opérée.

Justement, que vous reproche la délégation provinciale du ministère de la Santé ?

Un «refus de soigner des malades», ou encore le fait d’envoyer des parents acheter du matériel pour faire opérer leurs enfants, alors que j’ai été à court de matériel justement et que j’ai demandé à l’administration de le fournir à plusieurs reprises, mais elle ne l’a pas fait. Je ne force pas les parents, mais ils me disent eux-mêmes : «Si le matériel manque, nous sommes prêts à l’acheter», au lieu qu’ils fassent 300 bornes pour faire opérer d’urgence leurs enfants.

Actuellement, le matériel que j’utilise est acheté par mes propres fonds, parce que la direction, la délégation provinciale et régionale n’ont pas donné suite à mes requêtes. D’ailleurs, cet hôpital est connu pour avoir eu des problèmes avec d’anciens médecins qui y ont exercé. Il y en a d’autres qui choisissent d’opérer les malades dans des cliniques privées où ils officient parallèlement. D’autres encore interviennent même dans le choix de leur mutation.

Avant de commencer à recevoir des commissions et des courriers de la délégation, comment a-t-on réagi à vos lettres ?

J’écris souvent à l’administration et lance des appels sur internet. Je n’ai jamais eu de réponses. Mais le lendemain de mon message au roi, le délégué régional de Souss-Massa est tout de suite venu à Tiznit. Au cours de nombreuses visites des commissions d’enquêtes, je suis interpellé en étant pourtant en pleine opération chirurgicale.

Les fonctionnaires de la délégation m’ont demandé, par exemple, si j’étais à la hauteur d’adresser un message au roi, si j’étais en ordre de justifier les usages de corruption que j’évoque au sein de l’hôpital. A ce propos, ma dernière lettre écrite au roi a été endommagée, alors que l’ai expédiée via Amana express. A ce moment-là, j’ai réalisé que j’étais véritablement face à une mafia, non seulement au niveau de Tiznit, mais dans toute la région.

Parallèlement, je reçois des demandes d’explication sur les mêmes sujets depuis octobre 2017, alors que la délégation m’a dit, dans le temps, que ce dossier était classé. On me dit que je devrais être dans le système universitaire. Le délégué de la Santé a même failli signer ma mutation pour m’envoyer à Agadir, en me disant que gagnerais plus d’argent là-bas, que ma carrière évoluerait rapidement, mais cela ne m’intéresse pas. J’ai des offres en Suisse, en Belgique et en Espagne, mais c’est à Tiznit que j’ai choisis de travailler.

Y a-t-il eu une intervention du Conseil national de l’Ordre des médecins à ce sujet ?

Dans un récent courriel, le CNOM nous rappelle le versement de nos cotisations annuelles, sans évoquer à aucun moment la situation de l’hôpital provincial de Tiznit. On voit bien que les responsables n’interviennent pas, alors que ma cause n’est pas personnelle. Elle est devenue d’intérêt général, une fois que j’ai commencé à réclamer les droits de mes patients.

Les parents me rapportent des récits de corruption. Ils me disent qu’ils sont malmenés par d’autres confrères. Par conséquent, je me suis dit que la solution était de faire opérer le maximum de malades possible, afin de leur épargner le passage par une clinique privée, où ils sont obligés de verser une somme au noir. D’autres parents viennent vers moi pour des reprises chirurgicales. Je donne mon numéro de téléphone à mes patients depuis que je travaillais au CHU de Casablanca, parce que je suis soucieux de leur état de santé.

Actuellement, je le fais à Tiznit pour épargner au malades d’être à la merci de ces réseaux de corrupteurs, constitués de «semsara» à l’intérieur et à l’entrée de l’hôpital. Ce sont des intermédiaires entres les malades et les médecins. Ils travaillent sous couvert d’infirmier, d’ambulancier, d’agent de sécurité, de femme de ménage… Ils sont payés au noir pour ce qu’ils font. Lorsque se tisse un lien de confiance entre un patient et moi, celui-ci me raconte parfois qu’on lui dit à l’entrée de l’hôpital que j’étais absent ou en opération. Ensuite, on le guide vers un autre médecin, qui le voit puis lui donne rendez-vous dans une clinique privée !

Qu’en pensent vos collègues à l’hôpital ?

Vous savez, la mentalité marocaine a un double-visage. En face, on vous dit que vous êtes gentil, serviable, que vous ne méritez pas toutes ces commissions d’enquêtes. Derrière vous, on vous descend, c’est psychologique. Les médecins viennent vers moi en tenant ce discours de compassion, mais ils ne réagissent pas, ni au sein des syndicats, ni au sein de l’hôpital. Chacun est en train d’œuvrer pour ses propres intérêts. 

J’ai même adressé des écrits au ministère de la Santé, mais ils n’ont pas eu de suite après le limogeage de Houcine El Ouardi. L’actuel ministre, Anas Doukkali, s’est rendu à Tiznit pour inaugurer le nouveau service des urgences. Il est venu en connaissance de cause et a été alerté de ma situation. Il a inauguré l’espace, sans autre réaction, alors que par ailleurs, des associations de la société civile me proposent leur appui.

Laisser des enfants démunis entre les mains de loups, je ne le permettrai donc jamais et je continuerai toujours à me battre pour ces jeunes patients. Un conseil disciplinaire est prévu le 9 mars et j’ai justement le soutien de nombreux parents dont j’ai soigné et opéré les enfants.

imtiyaz
Date : le 05 mars 2018 à 18h39
. La majorité des marocains aiment la brillance les grosses voitures, les villas magnifiques avec la grande porte en bois sculpté aussi large qu'on peut entrer un char d'assaut. et pour avoir toutes ces gâteries les responsables ont privé ce pauvre chirurgien d’équipements et d'outils pour opérer les patients. C'est valable dans toutes les professions : exemple le président d'une commune rurale achète un 4/4 de luxe comme voiture de fonction et il est incapable de boucher les nids de poule sur les voies communales. Tu me diras le 4/4 est fait pour le tout terrain ptdr Dans sa petite tête c'est sa personnalité qui prime avant tout. .
karlleretour
Date : le 05 mars 2018 à 17h58
Servir son pays demande un effacement de soi. La vérité que vous faites partie de ces responsables qui se servent des autres pour arrondir leurs fin de mois, mais pas servir leurs pays. Mais qui êtes vous pour nous dire qu'on ferme nos gueules ? Moi je pense que vous êtes juste quelqu'un de moyen âge, tout simplement! Cordialement.
majus
Date : le 04 mars 2018 à 21h31
ce soit disons docteur passe plus de la moitie des heures qu il doit consacrer a l hopital dans un cabinet prive !! des heures payees par le contribuable!!! on lui a plusieurs fois signifier qu il doit revoir son comportement condamnable mais rien n y fait. alors chaque fois qu on veut mettre un peu d ordre tout le monde crie harrrrrrro sur les responsables .sachez la verite avant de d ouvrir grande vos gueules, merci/
netstat
Date : le 04 mars 2018 à 12h44
Ceci n'est que le commencement car plus on aura ce genre de médecin plus il y aura pression sur un Etat corrompu; Il faudra surtout rester derrière ce Docteur afin que le "rouleau compresseur" étatique ne le réduise pas au silence complet; Aussi le palais royal doit, urgemment, mettre de l'ordre dans tout ce qui est public avant qu'il ne soit trop tard. D'un côté nous avons une majorité de médecin qui ne pense qu'à se remplir les poches et de l'autre un système que se souci peu de la santé et du bien être de son peuple.
moi555
Date : le 02 mars 2018 à 16h57
cher docteur,tu trouveras surement un travail a Tounfit par exemple mais en tant que medecin privé;;;je ne connais personne qui a osé ouvrir un cabinet dans un village apart biensur le celebre KANKOUN AL HAKIM good luck
jinayl
Date : le 02 mars 2018 à 11h10
Tant qu'au plus haut niveau de l'Etat il n y aura pas une réelle volonté de nettoyer toute cette crasse, qui nous pénalise tous depuis l'indépendance, il n y aura pas de changement significatif. Il faut un plan de lutte contre la corruption massif, durable, transparent, érigé en priorité nationale (avant les LGV et compagnie, qui ne servent qu'à engraisser d'autres réseaux mafieux, beaucoup plus voraces), des commissions d'enquête dont les rapports ne finissent pas dans des tiroirs de bureau, une râbachage permanent sur ce thème dans tous les programmes de tous les niveaux scolaires, etc, etc. Sinon tout ce qu'on fera pour encore d'autres décennies, c'est nous indigner de temps en temps, en parler encore et encore...
zig-zag
Date : le 02 mars 2018 à 10h52
depuis longtemps ici dans ce forum on dénonçait les médecins irresponsables leurs ADN est inscrit l'argent et remplir les comptes bancaires . Chaque marocain a eu un problème avec le service de la santé . le jour est arrivée pour soutenir ce médecin et faire table rase au mofssidine . voila la page de الدكتور المهدي الشافعي ici
moirk
Date : le 02 mars 2018 à 10h20
Le poisson commence á puer de la tête. Cette expression est utilisée en RFA pour bien décrire une telle situation. Dans le système Makhzen la régle d´or est être loyale au Makhzen puis faire ce que tu veux. Dans ce pays, le Makhzen a tous les pouvoirs de décision mais ne doit rendre des comptes à personne. Ceux qui sont supposés veiller sur le bon fonctionnment de la société sont eux les vrais corrompus. Ce qui fait toute la société est devenue malade ou on vehicule le mensonge, la médiocrité, le clientilisme est une fausse religiosité, Au lieu de chercher á résoudre des problèmes en réspectant les lois, la morale et la bonne conduite, ce sytème favorise les méthodes douteuses sur les quelles tout le système Makhzen est construit á savoir l´abus du pouvoir.
afraw
Date : le 02 mars 2018 à 09h01
Salam...qui vote le budget de la santé ?le parlement... essentiellement composé de notables, presque tous ont un médecin dans leurs relations (frère,cousin,ami) qui bossent dans le privé ou ont une clinique.....les parlementaires ne vont tout de même pas améliorer le public au dépend du privé ...sans compter la corruption généralisée car au Maroc on dit "je mange,tu manges,nous mangeons"...et celui qui résiste à manger,aux oubliettes..quant aux mosquées en trop,si seulement les imams parlaient de ça,elles serviraient à quelque chose
brabrasud
Date : le 01 mars 2018 à 19h57
Salem, Et le pire c'est quand on vous facture des médicaments alors que le patient n'a na jamais bénéficié, trop malade pour voir ce qu'il se passe. Si il y'a bien une chose qui mérite d'être défendu dans ce pays c'est bel et bien le système de soin. Quand on voit qu'une simple piqure d'insuline se vend à 900dh il vaut mieux mourir. Le roi lui même se soigne en France cela veut tout dire. Rien ne changera meme si il ya 10 ministres de la santé en même temps. Ce qu'il faut c'est une révolution car étant dans la M.. autant se baigner dedans pour de bon et essayer de reconstruire ce pays qui est gangrené jusqu'à la moelle politiquement judiciairement et socialement. On veut avoir la coupe du monde 2026 alors que les femmes accouchent sur le trottoir. Pour avoir eu un membre de ma famille hospitalisé dans une clinique privée à Casablanca, il a fallu tout acheter pour essayer de la sauver. Des médicaments à 2000dh chaque jour et le pire ce medicament navait rien avoir avec la maladie. Heureusement que les assurances ont pris le relais pour rapatrier mon frère en France. Ces docteurs sont des assassins et sont inhumain. De mes propres yeux j'ai vu un enfant déchiqueté son coude derrière la tete car une voiture lui a rouler dessus et bien vous savez quoi?! On a dit à ses parents d'attendre dans le couloir et allez chercher l'argent sinon pas de prise en charge. Le père allait mourrir ce jour là car il avait pas les fonds. Imaginez!? MÊME LES COUFARDS NE FOND PAS CA Qu Allah guide se pays car quand sa va péter sa sera pire que la Syrie
Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com