Si on est encore loin de la fin du contrôle au faciès en France, le projet de loi qui sera déposé demain à l’Assemblée nationale a au moins le mérite de jeter un pavé dans la marre. Eric Coquerel, député de La France insoumise pour la 1e circonscription de Seine-Saint-Denis, va présenter devant l’Hémicycle une proposition de loi relative à l’expérimentation du récépissé lors du contrôle d’identité. L’objectif, que l’on devine, est de lutter contre le délit de «sale gueule».
Balayé par La République en marche (LREM) – majoritaire à l’Assemblée nationale –, ce projet a «malheureusement» peu de chances d’être adopté, reconnaît le parlementaire dans une interview au Journal de Saint-Denis. De plus, «l’administration policière semble vraiment opposée», selon lui. Qu’à cela ne tienne ; le texte a vocation, dans un premier temps, à être expérimenté dans des villes volontaires.
La proposition de loi comprend la mention, sur le récépissé que le contrôlé récupèrerait, du numéro de matricule de l’agent de police, du motif de contrôle, de la date et de l’heure de ce dernier. «Le document vaut preuve pour la justice. Cela permettrait aussi de contrôler objectivement l’activité des policiers», soutient Eric Coquerel. Celui-ci souligne qu’il est également question de modifier l’article 78.2 du Code pénal «pour que les contrôles se fassent uniquement pour des raisons individuelles et objectives et pas en raison d’un contexte».
Des dispositions «anecdotiques»
«Je suis le député d’une circonscription avec de nombreux quartiers populaires et très clairement, les cibles de ces contrôles au faciès sont beaucoup les jeunes de ces quartiers», observe Eric Coquerel. «On a entre 12 et 20 fois plus de chance d’être contrôlé quand on est identifié comme Maghrébin ou Africain que quand on est blanc. Au point que l’ONU a récemment pointé la France du doigt pour ce profilage ethnique», défend-t-il.
Pourtant le 6 juin 2013, la France avait officiellement accepté les recommandations pour mettre fin au profilage ethnique, lors d’une session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, rappelle l’ONG Human Right Watch (HRW). «Malheureusement, le gouvernement a vite fait machine arrière sur ces engagements et a uniquement pris des mesures anecdotiques dans le sens de la réforme, comme l’introduction d’un code modifié de déontologie policière», estiment HRW et l’Open Society Justice Initiative, regrettant «des mesures bien loin des changements requis».
Pas de trace, pas de preuve
Preuve à l’appui, le contrôle au faciès est plus souvent rapporté par les individus qui déclarent être perçus comme «arabes, maghrébins ou noirs». Ces derniers sont contrôlés cinq fois plus fréquemment, selon une enquête du Défenseur des droits, publiée le 20 janvier dernier.
Une discrimination assidue qui décourage les personnes visées à engager des procédures. Elles considèreraient que «ça ne sert à rien» ou que «ça n’en vaut pas la peine», puisqu’il est plus difficile d’apporter des éléments de preuve. Un vide qui renvoie à l’absence de dispositifs de traçabilité de ce genre de plaintes. «Le contrôle d’identité est le seul acte administratif qui n’occasionne pas de trace écrite», fait d’ailleurs remarquer Eric Coquerel au Bondy Blog.