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Grand Angle

Chronique littéraire : Des mots signés femme

Peut-on accorder une définition précise à l’acte d’écriture ? Pourquoi écrire ? Comment écrit-on ? Et pour qui ? Des questions qui ne cessent de se poser et auxquelles Ghita El Khayat tente de répondre dans sa collaboration intitulée Au fait, j’écris …Pourquoi, comment et dans quel but, au sein de l’ouvrage collectif : Voix d’auteurs au Maroc.

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Ecrire au féminin peut avoir des mobiles divers, mais ce n’est jamais un acte anodin ; c’est pour extérioriser des émotions, dénoncer une situation, ou encore mettre des mots sur des maux. L’écriture est une thérapie assez bénéfique pour guérir une femme de ses blessures. «Je suis venue à l’écriture pour survivre à la peine», affirme Ghita El Khayat, qui n’a pas trouvé mieux que l’art scriptural pour faire le deuil de sa jeune fille disparue. Si l’auteure a eu recours à l’écriture, c’est aussi pour dire non à sa condition en tant que femme marocaine. «J’ai écrit parce que l’état du féminin fut une horrible condition pour moi».

La plume est ainsi devenue l’unique arme qui lui a attribué «le statut de guerrière». On voit bien que l’écriture pour El Khayat n’est pas uniquement une affection. Elle dépasse le statut de «passion» pour s’établir en tant qu’ «acte qui engage l’être tout entier». L’écriture a permis, par dessus tout, à Ghita El khayat de briser les tabous, de s’écrire de l’intérieur, de dévoiler les mystères de son corps.

A travers les mots, l’écrivaine a donné libre cours dans Liaison à ses sensations intimes qui font échos aux appels de la chair envahissant toute femme quand elle vit une grande passion. Une passion enragée, dévoratrice que la romancière se trouve obligée d’étouffer car une femme n’a tout bonnement pas droit au désir, chose que dénonce vigoureusement El Khayat, toujours moyennant l’acte de l’écriture.

Dépasser les peurs

Ayant pris la décision d’écrire, une femme a-t-elle la totale liberté de dire ce qu’elle pense, surtout quand il est question de dépeindre sa vie intime ? La réponse est non. Que faut-il faire, alors ? Dans un tel cas, la nécessité de recourir à des techniques narratives singulières s’impose, comme le souligne El Khayat : «C’est entre les lignes que tout se passe, que tout se dit et que tout se résolut».

En vue de détourner la censure, demeurant surtout d’ordre social, en vue de «doubler les interdits» ainsi que «les tabous les plus féroces» l’auteure a inventé ses propres astuces scripturales. Tout se joue dans ce petit espace qui sépare deux lignes. Conséquemment, seuls les lecteurs et lectrices habiles réussiront alors à décrypter son langage codé. Pourtant ces derniers se font, malheureusement, de plus en plus rares.

Lecture en perdition

«La lecture recule, les enfants comme les grands n’ont plus ce rendez-vous unique (…), plaisir qui vient avant les devoirs et les obligations», soutient, avec beaucoup de peine, El Khayat. En fait, les Marocains, trop pris par les charges quotidiennes n’ont plus de temps pour lire. Ils n’ont plus droit, comme l’affirme l’écrivaine à ce «moment de grande détente, de départ vers l’imaginaire, vers le rêve». Au Maroc, ce n’est un secret pour personne que nous vivons une vraie crise de lecture, «les librairies ferment, les livres ne se vendent plus… que faire ?».

Quand on a la ferme certitude que «le livre se meurt, devrait–on pour autant renoncer à l’écriture ? Non. On écrit quand même. On écrit pour cette minorité qui lit. On écrit pour les quelques rats de la bibliothèque», affirme El Khayat, pour «ces vagabonds de l’âme» qui ont besoin de se refugier au sein et entres les lignes. Sauf que, ce n’est pas uniquement le public qui a ce besoin, c’est également celui de l’écrivain (e) qui se cherche dans les mots.

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