Comment le mouvement du Hamas a-t-il accueilli la décision de Donald Trump ?
La résolution du président américain est une violation flagrante du droit international. Nous pouvons même dire que, par cette décision, les Etats-Unis cautionnent officiellement la colonisation israélienne de la ville sainte, ce qui est une véritable atteinte à une constante du peuple palestinien et des Etats arabes. Prendre une décision aussi déconcertante qu’irréaliste revient à jeter de l’huile sur le feu, lorsqu’on connaît la situation instable du Moyen-Orient.
Depuis toujours, les positions des Etats-Unis se sont alignées sur celles d’Israël. Mais cette fois-ci, plus que la continuité d’une politique historiquement partiale, Donald Trump aura choisit son camp et affirmé ouvertement être favorable à la colonisation. Il appuie et appuiera encore la politique publique, militaire et criminelle d’Israël. Ceci dit, transférer l’ambassade américaine à Jérusalem ne changera pas la réalité des choses. C’est une vérité historique : Al Qods est une ville arabe palestinienne.
Quel bilan faites-vous des premières actions entreprises pas les Etats arabes (notamment le Maroc), qui veulent contrer la décision de l’administration américaine ?
Reconnaître Jérusalem comme capitale israélienne, c’est non seulement porter atteinte à la Palestine, mais aussi ébranler nos pays amis. Tout en étant bien consciente, l’administration américaine a franchi le pas, défiant l’ensemble de nos peuples et déclarant ouvertement les hostilités. Les Etats-Unis savent ce qu’ils font. De ce fait, je pense que la priorité est d’unifier nos efforts, citoyens et politiques de la région, afin d’exercer une pression internationale efficiente.
Bien entendu, nous prenons acte de toutes les initiatives solidaires des pays qui s’approprient la question palestinienne, en l’érigeant au rang de cause nationale. C’est justement le cas du Maroc, dont nous louons l’engagement et l’implication à la tête du Comité d’Al Qods. Cependant, si nous, Etats arabes, voulons constituer un contrepoids pérenne, nous devons tous unifier nos actions pour être à la hauteur des enjeux géopolitiques, tristement illustrés par le conflit israélo-palestinien. La Palestine, et particulièrement Al Qods, est historiquement liée au Maghreb dans cette lutte. Je crois intimement que nous réussirons à faire revenir les Etats-Unis sur leur décision.
Hazem Kassem, porte-parole du Hamas (D.R.)
Il est probable que les réactions officielles ne dépasseront pas les discours d’indignation et de condamnation. Qu’attendez-vous du mouvement marocain de soutien à la Palestine ?
Au sein du Hamas, nous connaissons l’attachement de votre peuple à la cause palestinienne. Le Maroc a toujours été l’un de nos pays frères et nous savons que l’annonce des Etats-Unis a provoqué une vive colère au sein de sa société civile. La situation actuelle nécessitera inéluctablement une mobilisation de la rue. Nous espérons que ces dynamiques régionales et internationales feront barrage à l’administration américaine. Idéalement, cette dernière n’ira pas au bout de son projet de transférer son ambassade à Al Qods.
Le roi Mohamed VI préside le Comité d’Al Qods, régi par l’Organisation de la coopération islamique (OCI). Quelles sont vos attentes de ce comité ?
L’implication de ce Comité dans le processus de paix est extrêmement louable. Je suis convaincu que son action peut être menée aussi sur le plan politique, si cette instance prend les devants et saisit les Etats-Unis en lui rappelant les principes d’un équilibre régional basé sur la paix. Nous espérons, par ailleurs, que le Comité convoquera une réunion d’urgence, pour mettre en place un soutien effectif aux Palestiniens d’Al Qods.
Quel est le climat régnant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, au lendemain du discours de Trump ?
Il règne une véritable atmosphère de colère, dans les rangs des civils. Ce jeudi, le mouvement Hamas a mobilisé la rue lors de manifestations exprimant le rejet de la décision de Trump. Il ne peut y avoir de tensions à Gaza, celle-ci n’étant pas sous contrôle israélien. Mais dans les prochains jours, la situation risque d’être différente en Cisjordanie où nous redoutons des affrontements entre Palestiniens et armée occupante. Cela ne nous empêche pourtant pas de nous dresser à l’unisson contre la mesure de la Maison blanche.
Aussi, nous sommes constamment en contact avec les populations palestiniennes de Cisjordanie, car notre peuple doit rester soudé dans sa lutte pour la liberté. Tout au long de ce combat légitime, nous avons compté nos morts par dizaines de milliers. Les frontières d’Al Qods sont dessinées par le sang de ces martyrs-là et non pas par des décisions unilatérales de l’administration américaine.
Justement, cette décision de Trump pourrait-elle accélérer le rapprochement entre Hamas et Fatah, devenant ainsi un catalyseur du processus de réconciliation palestinien ?
Le discours de Donald Trump peut être perçu comme une conséquence majeure du succès de la réconciliation palestinienne. Au sein du Hamas, nous avons fait d’importantes concessions au nom de l’unité nationale. En effet, nous considérons que nous affronterons mieux l’hostilité américaine, si l’on unit nos rangs internes.
Jeudi, des réunions se sont tenues entre les représentations du Hamas et du Fatah et une longue rencontre a été effectuée avec le Premier ministre palestinien, Rami al-Hamdallah. Le Hamas est engagé dans la réconciliation et nos concessions l’illustrent bien. La situation d’Al Qods est tributaire de ce processus et il est de notre devoir de dépasser nos différends, afin d’atteindre tous les objectifs fixés dans le cadre de l’accord national.