Abdelilah Benkirane, secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) et Saâdeddine El Othmani, président du conseil national du PJD et chef du gouvernement, auraient «conclu un accord pour tenter d’apaiser les tensions qui déchirent la formation islamiste». C’est ce que révèlent jeudi nos confrères de Jeune Afrique, citant des sources du parti.
La même source précise aussi qu’Abdelilah Benkirane «se serait engagé à modérer les discours où il a tendance à attaquer les dirigeants du PJD ayant accepté de faire partie du gouvernement de Saâdeddine El Othmani». Quand à ce dernier, il «aurait assuré au secrétaire général que lui et ses ministres tiendraient davantage compte des remarques des groupes parlementaires du parti».
L’unité du parti mise en avant lors du conclave de la Chabiba
Cet apaisement annoncé a d’ailleurs été démontré lors 13e congrès de la Jeunesse du PJD tenu à Fès. Les ténors du parti de la Lampe étaient tous deux présents lors de l'inauguration du conclave dimanche dernier. Benkirane et El Othmani n’ont pas manqué d’afficher cette nouvelle entente. Ils ont pris la parole pour s’adresser aux jeunes du parti. Si le chef du gouvernement a réitéré son engagement à «poursuivre les réformes initiées par l’exécutif précédent», Benkirane, applaudi chaleureusement par la foule, a préféré évoquer les «démons», les «crocodiles» et les «adversaires affichés» ou «cachés» du parti de la Lampe.
Le 3 août, invité au 7e congrès de l’organisation Attajdid Attolabi, le bras estudiantin du Mouvement unicité et réforme (MUR), El Othmani est allé jusqu’à affirmer qu’il était disposé à se retirer du gouvernement si tel était la volonté du parti.
L’apaisement profitera en tout cas aux deux ténors du PJD. Pour El Othmani, le retour de la lune de miel entre les députés de son parti et les ministres de son gouvernement réussira à instaurer le climat de confiance entre les députés et l’exécutif. Avec la majorité confortable dont il dispose à la Chambre basse, il ne devrait plus s’inquiéter des réactions imprévisibles des élus du PJD face à une opposition divisée. Quant à Benkirane, il n’aura plus qu’à continuer de baliser le chemin vers un 3e mandat à la tête de la formation islamiste, comme le souhaitent ses partisans.
Une crise qui menace la coalition gouvernementale ?
Bien que le calme semble être revenu au sein de la maison interne du PJD, certaines sources médiatiques mettent en avant une «lutte fratricide» entre l’aile conservatrice soutenant Benkirane et les PJDistes qui défendent El Othmani. Une lutte qui devrait s’accentuer à l’approche du 8e congrès national de la Lampe prévu avant la fin de l'année 2017, prédisent-ils.
Le pacte qui aurait été conclu entre les deux ténors de la formation islamiste intervient après une période difficile pour le parti de la Lampe, qui s’est même invitée dans l’hémicycle. Fin juillet, plusieurs clashs entre les élus du PJD et des ministres du gouvernement El Othmani ont eu lieu au Parlement. Des ministres du Rassemblement national des indépendants (RNI) ont été dans le viseur des frères de Driss El Azami El Idrissi, notamment pour des projets de lois. D’après certains observateurs et politologues, ces clashs seraient le résultat de la crise interne au sein de la Lampe, née au lendemain de la désignation de Saâdeddine El Othmani en tant que chef du gouvernement pour remplacer Abdelilah Benkirane.
La crise risque de «perdurer, au moins jusqu’au congrès du PJD en décembre», a indiqué le politologue marocain Abdessamad Belkebir. «Après le congrès, et si Benkirane est réélu, la position politique du parti vis-à-vis de la participation au gouvernement pourra connaître un changement», a-t-il précisé.
Abderrahim Elaalam, professeur de sciences politiques, considère pour sa part que «la crise entre les députés du PJD et les ministres du RNI influencera la coalition gouvernementale, puisque ses origines se trouvent au sein même du parti d’Abdelilah Benkirane. C’est aussi une lutte entre le PJD et le pouvoir».