«Contrairement à ce qu'on dit, l'intégration ne va pas si bien que ça: le quart des étrangers qui ne sont pas d'origine européenne sont au chômage, les deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés», c’est ce qu’a déclaré Claude Guéant sur les ondes d’Europe 1 dimanche dernier. Mais il y a raison de s’interroger sur l’origine de ces chiffres, notamment en ce qui concerne ceux sur l’échec scolaire des enfants immigrés. La Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE, première fédération de parents d'élèves) se demande même où le ministre «tire ces statistiques loufoques?»
Un porte parole de Claude Guéant, cité par Les Echos, répond qu’ «ils viennent tout simplement du rapport de 2010 du Haut Conseil à l'Intégration (HCI) sur les défis de l'intégration à l'école». Mais ce rapport de 197 pages ne contient pas les chiffres avancés par le ministre de l’Intérieur. En plus de ses recommandations «relatives à l’expression religieuse dans les espaces publics de la République» destinées au Premier ministre, ce document consacre un de ses chapitres aux «défis sociaux de l’intégration scolaire» des enfants d’immigrés. C'est là qu'il faut aller chercher pour trouver l'origine des chiffres de M. Guéant.
Des écarts existent
Les enfants d'immigrés, selon les données du rapport, souffrent plus à l’école primaire. Mais plus ils avancent dans leurs études, mieux ils s’en sortent, si les conditions matérielles sont réunies. A l’école primaire, «plus d'un sur quatre a redoublé», contre «un sur cinq» pour les enfants dont «aucun ou un seul parent est immigré». En fin de troisième, selon toujours le constat de Haut Conseil à l’Intégration, «40% des enfants d'immigrés parviennent en seconde générale et technologique sans avoir redoublé au collège contre la moitié pour les autres élèves». Soit une différence de seulement 10%.
La différence diminue encore au lycée, même si globalement, les statistiques restent peu glorieuses. Moins d'un enfant d'immigrés sur quatre parvient au baccalauréat général et technologique sans redoublement soit environ 25%. Ce pourcentage reste en dessous de 33% pour les autres.
L'écart reste important par rapport au nombre d'enfants qui sortent du système éducatif sans qualification. Les enfants de famille immigrée sont presque deux fois plus nombreux à être concernés que les enfants avec un seul ou pas de parent immigré. Abandon, c'est ce que le ministre a dû entendre par échec scolaire.
Les pourcentages avancés : possibles, s'il y avait un enfant d'immigré pour un enfant «de souche»
Pourtant, même sur ce dernier plan, il est impossible à en arriver à un constat ne serait-ce que proche des propos de M. Guéant, selon lesquels «deux tiers des échecs scolaires, c'est l'échec d'enfants d'immigrés». L'état actuel de la population française ne le permet pas. Car la part des enfants d'immigrés reste très minoritaire dans les effectifs des écoles en France. Le rapport du HCI mentionne qu'en 1995, un seul élève sur dix, entrant au collège, était un enfant d'immigrés. Comment 10% des élèves peuvent-ils constituer 66% des échecs scolaires ? En termes absolus, ce sont les enfants «de souche» qui sont les plus touchés par l'échec scolaire.
Par contre, pour en arriver aux proportions qu'indique M. Guéant, il faudrait, toutes choses égales par ailleurs, avoir beaucoup plus d'enfants d'immigrés. Autant que d'enfants«de souche», pour être précis. Dans ce cas, deux fois plus d'abandons représenteraient deux tiers des abandons sur le plan national.
Par conséquent, M. Guéant voulait-il en vérité nous expliquer qu'il y a de la marge en termes d'immigration, même si l'école n'arrivait pas à fournir de meilleurs résultats sur le plan de l'intégration et de l'abandon scolaire ? Des propos courageux dissimulés derrière une mauvaise guéanterie ?