Le roi Mohammed VI a accordé samedi sa grâce à 1 178 personnes, dont les jeunes «facebookiens» appartenant au Parti de la justice et du développement (PJD). Ils avaient été condamnés à un an de prison pour apologie du terrorisme, suite à leurs réactions sur les réseaux sociaux au lendemain de l’assassinat de l’ambassadeur russe en Turquie, en décembre dernier.
Cette annonce a fait réagir les familles et proches des détenus islamistes incarcérés dans les prisons marocaines. Un dossier épineux en attente d’une solution. Depuis lundi, des sources médiatiques évoquent la «colère» et le «mécontentement» des familles des détenus salafistes. Pour faire la lumière sur ces réactions, Yabiladi a interviewé Abderrahim Ghazali, porte-parole du Comité mixte pour la défense des détenus islamistes.
Les familles des détenus islamistes sont-elles en colère suite à la grâce royale accordée aux jeunes PJDistes poursuivis pour apologie du terrorisme, comme le rapportent certains médias ?
Pour être plus exact, il y a une déception et un mécontentement chez ces familles. Elles espéraient que leurs proches bénéficient eux aussi de la grâce royale. Malheureusement, elles ont été déçues. Ce qui a rendu les choses encore plus difficiles, c’est surtout le sentiment et le constat que l’Etat marocain adopte un double discours.
Nous sommes contents, en tant que Comité mixte pour la défense des détenus islamistes, de la grâce et de la libération des jeunes poursuivis en vertu de la loi antiterroriste. Parallèlement, l’exclusion et la marginalisation continue et répétitive du courant salafiste nous ont fortement déplu. On a le sentiment d’être des orphelins sans boucliers politiques ou associatifs dans ce pays. Est-ce parce que ces gens disposent d’intermédiaires et de personnes qui parlent en leurs noms et les défendent dans la sphère politique et associative, alors que les détenus islamistes n’en ont pas ? Est-ce la raison pour laquelle ils ont bénéficié de la grâce royale ? Pourquoi les islamistes sont continuellement marginalisés ? Ce sont des questions de plus en plus récurrentes...
Considérez-vous que les détenus salafistes soient victimes de discrimination ?
L’Etat discrimine, puisqu’il y a d’autres jeunes salafistes poursuivis pour apologie du terrorisme. Pourquoi n’ont-ils pas été libérés ? Même pas un seul. Il y a donc une discrimination : les deux groupes sont constitués de ressortissants marocains, les deux sont salafistes et les deux sont poursuivis pour les mêmes accusations, en vertu de la même loi et dans les mêmes prisons. Certains ont été sélectionnés, en se basant sur leur idéologie pour être libérés, tandis que d’autres ne l’ont pas été. Pourquoi ? Est-ce parce que la cause revendiquée par ce dernier groupe n’est adoptée par aucun responsable au sein des milieux politiques et associatifs ? Ces gens-là ne sont-ils par Marocains également ? Ce sont des questions qui tourmentent plusieurs familles, le Comité et les détenus. Qu’a-t-on fait pour ce pays ?
Vous avez adressé des lettres et des demandes à différentes institutions. Avez-vous eu des feedbacks ?
Malheureusement, il n’y a aucune réponse aux demandes déposées par le Comité mixte pour la défense des détenus islamistes auprès de plusieurs institutions étatiques. Les portes du dialogue sont maintenues fermées. Il semblerait que la marginalisation soit intentionnelle. Nous ne constatons pas de signes positifs dans un avenir proche. Il n’y a aucun indicateur laissant entendre que le dossier des salafistes sera enfin résolu par l’Etat.
En attendant, que comptez-vous faire ?
Comme à l’accoutumée, nous continuerons à militer. Nous continuerons à manifester, à organiser des sit-in et à mobiliser les associations et les ONG nationales et internationales des droits de l’homme pour inciter l’Etat à résoudre ce dossier. Nous ne nous arrêterons pas et ne baisserons pas les bras. Qu’ils nous excluent, qu’ils nous marginalisent, nous ne lâcherons pas prise jusqu’à ce que ce dossier, que Dieu le veut, parvienne à une solution générale, juste et satisfaisante vis-à-vis de toutes les parties. Nous ne demandons pas l’impossible, d’autant que le dossier est marqué par des dysfonctionnements et des abus à plusieurs niveaux.