Le baseball fait partie de l’héritage de la présence américaine au Maroc. Elle remonterait à la fin du 19e siècle, quand les premiers Américains commencent à arriver à Tanger qui dispose du statut de ville internationale. À l’époque, Tanger est surtout peuplée de commerçants, de militaires, d’artistes, etc. En 1920, une importante communauté américaine est installée dans la ville du détroit.
Leur présence militaire, quant à elle, se renforce pendant la deuxième guerre mondiale. Charles Noguès, alors résident général français au Maroc, étant proche de l’Axe de Hitler, les forces alliées, menées par les Américains débarquent à Casablanca et Mohammedia, en 1942. A partir de là, les bases américaines vont se multiplier à travers le pays. Dans la région du Gharb, où les militaires américains ont été particulièrement bien accueillis, des bases sont installées à Kenitra, Sidi Benslimane, Sidi Yahia, ou encore Sidi Bouknadel. C’est dans ces bases et dans les écoles américaines du pays, qu’est introduit le baseball.
Le baseball marocain, sport discret, mais structuré Difficile de situer précisément les premiers pas du baseball au Maroc, mais au début des années 70, il compte de nombreux adeptes, surtout américains, mais aussi quelques Marocains. Deux championnats sont mis sur pied : la Little League pour les juniors et la Senior League pour les joueurs plus âgés. Le sport n’étant pas très répandu, les championnats se disputent avec 4 à 5 équipes venant des bases américaines du Gharb et de l’école américaine de Rabat. À la fin de chaque saison, les meilleurs éléments de chaque équipe étaient réunis au sein de l’équipe des «All Stars» qui allait disputer des tournois internationaux. Des Marocains figuraient régulièrement dans ces sélections «All stars».
Mémoires d’un joueur
Mohamed Zanafi est l’un des témoins privilégiés de la brève parenthèse du baseball au Maroc. Il a pratiqué ce sport entre 1969 et 1972. En côtoyant les militaires américains de la base de Sidi Yahia, à 30 km de Kenitra, il se découvre une passion pour le baseball, aux côtés d’autres jeunes d’un village des environs. Les Américains sélectionnaient les plus talentueux d’entre eux pour former l’équipe des Devil Pups, dans laquelle Mohamed fera ses débuts. En intégrant l’équipe, Mohamed reçoit le surnom de «Steve», il n’était pas le seul à avoir reçu un prénom américain, confie-t-il.
Après une première année timide où il est souvent remplaçant, Steve montre de belles aptitudes pour le poste de lanceur à sa deuxième année, en 1970. «Pendant une séance d’entrainements, je m’amusais avec un copain en lui lançant des balles [...], le coach m’observait de loin. Il est venu me voir et m’a proposé le poste de lanceur», raconte Mohamed. Son équipe manquait de lanceur, Steve a donc occupé ce poste. Il terminera parmi les meilleurs à l’issue de la saison.
Grâce à ses belles prestations, il est retenu dans les «All Stars» avec un autre Marocain, Mohamed Jouhri, alias Allen. Ensemble, ils disputent ainsi un tournoi à Rota, au sud de l’Espagne, où les «All Stars» sont éliminés au premier tour. Mohamed Zanafi sera le seul Marocain des «All Stars» en 1971. L’année suivante, il intègre la Senior League et figure parmi les meilleurs joueurs, aux côtés de deux autres Marocains. Leur équipe s’incline en finale lors d’un tournoi à Madrid.
Avec la montée du mouvement national, la présence étrangère est de moins en moins tolérée, et les Américains vont progressivement se retirer de leurs bases, qu’ils cèdent à l’armée marocaine dans les années 70. Les jeunes joueurs Marocains se dispersent dans le pays, et leur sport favori retombe dans l’oubli. Aujourd’hui professeur de langue anglaise à Tanger, Mohamed «Steve» Zanafi envisage de ressusciter le baseball au Maroc. Il espère réunir autour de son projet d’autres personnes qui, comme lui, ont été séduites par ce sport.