L’enseignement de l’arabe classique est l’un des sujets qui touchent directement les Marocains résidant à l’étranger. Le débat s’est donc naturellement invité dans l'émission hebdomadaire spécial MRE de Radio 2M en collaboration avec le portail d’information Yabiladi.com. Ce mercredi, Fathia El Aouni et Mohamed Ezzouak ont interrogé l’écrivain maroco-néerlandais Fouad Laroui, et le professeur universitaire belgo-marocain Farid El Asri sur la langue, son enseignement et ce qu'elle porte comme éléments d'identité.
L'arabe classique, «un vrai handicap pour beaucoup de MRE»
«Certains Marocains vivant à l’étranger vont très loin et affirment que la langue arabe classique les éloigne d’avantage de leur pays d’origine». Un constat formulé par l’animatrice de l’émission avant d’évoquer le billet de Fouad Laroui, intitulé «Comment voulez-vous que je me sente Marocain si je ne comprends même pas ce que raconte la télé officielle ?».
Pour Mohamed Ezzaouk, directeur de publication de Yabiladi, il s’agit d’un «point de friction depuis très longtemps puisque l’apprentissage de la langue arabe pose un problème». Rappelant que beaucoup de MRE ne parle pas l’arabe classique, il rappelle que «quand on vient au Maroc et qu’on a besoin de lire des choses, la langue arabe est un outil très important pour rester connecté avec le pays, les administrations ou les Marocains de manière générale». Or, selon lui, «c’est un vrai handicap pour beaucoup de MRE» si elle n'est pas enseignée ou mal enseignée aux nouvelles générations.
«Personnellement je n’ai aucun problème avec la langue arabe classique. Ce dont je parle, ce sont les Marocains de deuxième génération. 80% des MRE établis ici à Amsterdam sont d’origine rifaine», lance Fouad Laroui au début de son intervention. «La langue en elle-même n’est pas du tout en question», précise-t-il.
L’arabe classique, une «langue étrangère» ?
Pour Farid El Asri, «le premier socle sur lequel il faut bâtir la réflexion» est celui de savoir pourquoi on enseigne la langue arabe classique. Le second, c’est la définition de la finalité.
«Je pense que ce n’est pas tant la transmission de la langue telle qu’elle est faite aujourd’hui, c’est la classification de l’objectif et de la finalité que les uns et les autres se fixent. Effectivement, s’il faut avoir une langue avec laquelle on va se débrouiller sur le plan oral, il faut réadapter complètement le programme.»
Le professeur universitaire fait aussi savoir que sur le terrain, il y a «trop de croissements d’objectifs et effectivement, celui qui subit cette avalanche latente c’est l’auditoire, le jeune enfant qui doit assimiler une matière qu’il ne comprend pas nécessairement».
Fouad Laroui donne ensuite l’exemple de l’anglais pour appuyer le constat selon lequel la dualité entre arabe dialectale et arabe classique est spécifique au monde arabe. «Il n’y a que les arabes qui ont deux langues : l’arabe classique et donc une variété haute de la langue et la darija, ce qu’on appelle une variété basse de la langue. Il faut effectivement savoir pourquoi on a ce problème», note-t-il. Il estime aussi que pour la deuxième génération, l’arabe classique «est une langue étrangère et quand ils s’intéressent au Maroc, à travers les infos, les débats (…) il y a un sentiment de ne pas appartenir au pays et c’est un sentiment extrêmement grave».
Se débarrasser d'abord du «caractère idéologique»
«Effectivement, il y a ce sentiment alors qu’on est censé être connecté», enchaîne Mohamed Ezzouak. Et Fouad Laroui de rebondir sur la question identitaire.
«Quand on est au Maroc, on n’a pas de doute sur son identité. En revanche, quand on est de deuxième génération, donc les jeunes qui sont nés aux Pays-Bas et qui ont un passeport néerlandais, eux, ont une solution de rechange. Quand ils sont confrontés à ce problème de langue et d’appartenance, ils disent qu’ils sont Néerlandais.»
Mais pour Farid El Asri, même s’il y a ce «sentiment de frustration» engendré par la langue, «cela ne veut pas dire qu’il y a une rupture ou une fissure». «Il me semble que le lien d’attachement est beaucoup plus large que le simple canal de la langue», lance-t-il.
Reprenant la parole, l’écrivain néerlando-marocain estime que «pour les raisons idéologiques, cette question est taboue». «Il faut se débarrasser de la passion, de caractère idéologique, et ensuite quand on aura fait ce travail entre nous, alors à ce moment-là on pourra passer à la seconde étape qui est une étape pragmatique». L’occasion aussi de citer l’apprentissage phonétique de l’arabe égyptien pendant six mois en première année à l’université d’Amsterdam avant l’arabe classique. Une solution parmi d’autres pour s'extirper des difficultés vécues par une génération d'enfants marocains à l'étranger.
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