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Interview

Mourad Alami « La constitution doit être rédigée en darija » [Magazine]

Les débats sur la réforme de la constitution marocaine sont entamés, non sans différends, mais un sujet reste encore en marge des discussions : les langues. Mourad Alami, linguiste, s’y intéresse pourtant de près. Ce défenseur de l’arabe marocain, auteur de la publication récente «Loughat almaghrib alhhayya: almaghribiya wa alamazighiya», propose que la constitution soit rédigée en darija pour la rendre plus accessible aux différentes composantes de la société marocaine.

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Yabiladi.com : Vous demandez une constitution en darija et que cette langue devienne langue officielle. Quels en seraient les avantages ?

Dr. Mourad Alami : La darija constitue un pan d’identité partagé par la plupart des Marocains. Sur les plan économiques et politique, cela permettrait de mobiliser des ressources humaines encore sous-exploitées. L’arabe marocain pourrait être le moteur de la participation de toutes les couches de la société. Aujourd’hui, seule une élite arabophone et francophone dirige le pays. Beaucoup sont laissés de côté, ce qui représente une perte de potentiels.

A titre comparatif, tous les pays qui ont élevé les langues vernaculaires au titre de langue officielle ont connu un essor économique et social important. Le passage de l’une à l’autre ne pose pas de problème.

Cela signifie-t-il que l’arabe marocain doit remplacer l’arabe classique ?

Non, pas du tout. La source de l’arabe marocain est la langue classique, mais je proposerai que tous les Marocains apprennent nos trois langues, et dans l’ordre : l’arabe marocain, l’amazigh, et l’arabe classique. Les deux premières sont des langues vivantes. L’arabe classique fait partie d’un patrimoine universel, c’est une langue savante, la langue de la religion. Il servira toujours à fortifier la darija.

Est-ce que certains des acteurs rencontrés par la Commission consultative pour la révision de la constitution ont repris votre proposition ?

Non, pas un seul n’a repris cette proposition. Tous les partis politiques sont pour l’arabe classique, mais la rue demande la reconnaissance de la darija. Lors des manifestations des jeunes du 20 février, de nombreux slogans étaient scandés en darija. L’arabe classique est la langue des vieux, et la darija est la langue des jeunes. Ils n’ont aucun complexe à utiliser la darija dans les SMS, les chats, sur Facebook.

Quel est, selon vous, le rôle des écrivains, des intellectuels dans le processus de réforme au Maroc ?

Pour mener les réformes de la constitution, on a formé une commission et fait appel à des juristes, des politologues, des techniciens, mais ils ne peuvent pas nous aider. La commission devrait être une copie du tissu social de la société marocaine. Elle devrait surtout être pluridisciplinaire. Les écrivains, les intellectuels, mais aussi les membres de la société civile peuvent apporter des éléments importants au travail de la commission. On ne les sollicite pas assez.

D’un autre côté, sans m’exclure, je constate que la présence des intellectuels marocains dans les manifestations est plutôt faible. La plupart partage une grande partie des revendications des jeunes, mais il y a des réticences, une certaine frilosité à sortir dans la rue. Nombreux sont les intellectuels marocains qui restent dans leur tour d’ivoire. Ils ne veulent pas se salir les mains, même pas les pieds.

Cet entretien a été précédemment publié dans Yabiladi Mag numéro 6 (avril 2011)

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