La dégradation de la liberté de la presse au Maroc a été lente mais régulière au cours de l’année 2016, indique ce mercredi l’ONG internationale Reporters sans frontières (RSF) dans son rapport annuel, présenté en Tunisie. Au royaume, le document fait état d’«entraves continues au droit d’informer» et estime que durant l’année précédente, les autorités y ont exercé «des pressions politiques et économiques sur les médias marocains indépendants pour les dissuader de traiter de sujets hautement sensibles».
Ainsi, dans le classement mondial de la liberté de la presse, le Maroc perd deux rangs par rapport à l’année 2016 et arrive à la 133e place. En effet, le royaume se classait à la 131e place dans le rapport de l’année 2016 alors qu’il était 130e en 2015. Son score global a toutefois progressé de 0,22%, s’établissant à 42,42 points. Cette régression est due notamment aux restrictions et aux entraves à la presse nationale, mais aussi internationale. «Arguant de l’absence d’autorisation de tournage, les expulsions manu militari de journalistes n’ont cessé d’augmenter en 2016», relève l’ONG. Celle-ci de rappeler des cas d’expulsion du Sahara : «Au Sahara occidental (…), les journalistes-citoyens qui tentent d’informer sur les violations commises contre les droits humains sont menacés et poursuivis.»
«[Le Maroc] s’est distingué par une grande agressivité envers les journalistes étrangers (cinq expulsions de journalistes européens en 2016), révélatrice d’une tension plus globale du Makhzen marocain envers l’UE notamment. Le nombre d’exactions au Sahara Occidental commises contre les journalistes sahraouis non-professionnels reste quant à lui élevé dans une zone impossible à couvrir pour les journalistes marocains.»
Le royaume ne fait pas l’exception dans sa région : d’après RSF, «les journalistes continuent de pâtir des nombreuses lignes rouges, imposées par des Etats peu enclins à permettre au journalisme indépendant d’occuper pleinement sa place de contre-pouvoir en Afrique du Nord». L’organisation de défense de la liberté de la presse point aussi du doigt «la persistance de l’hostilité des dirigeants des pays du Maghreb, lorsque des sujets d’intérêt général tels que la corruption, la fraude fiscale ou les lobbies d’influence sont abordés par les journalistes».
La Mauritanie, pays arabe et maghrébin le plus libre
«En Afrique du Nord, il est malheureux de constater que les responsables politiques préfèrent tolérer les journalistes qui donnent la part belle au commentaire et à la communication institutionnelle plutôt qu’à ceux qui refusent le jeu des compromis», déclare Yasmine Kacha, directrice du bureau Afrique du Nord de RSF, citée dans le rapport. «Aujourd’hui plus que jamais, il est essentiel de continuer à lutter pour une information indépendante, plurielle et libre dans la région.»
A l’échelle du Maghreb, la Mauritanie arrive première, occupant la 55e place de ce classement. Elle en est le premier pays arabe. La Tunisie, deuxième, récolte le 97e rang. Le pays du Jasmin est suivi du Maroc (133e), puis de l’Algérie (134e). Enfin, la Libye arrive 163e.
Au niveau mondial, le top 5 est occupé par la Norvège, la Suède, la Finlande, le Danemark et les Pays-Bas. La Chine, la Syrie, le Turkménistan, l’Erythrée et la Corée du Nord sont les pires Etats pour la pratique du journalisme et la presse indépendante.
Dans ce classement, RSF démontre aussi «le risque de grand basculement de la situation de la liberté de la presse, notamment dans certains pays démocratiques importants». «Plus rien ne semble enrayer la chute des démocraties amorcée les années précédentes. L’obsession de la surveillance et le non-respect du secret des sources contribuent à faire glisser vers le bas de nombreux pays considérés hier comme vertueux.» RSF cite notamment les Etats-Unis (43e), le Royaume-Uni (40e) et le Chili (33e), qui perdent deux places par rapport à l’année dernière, ou encore la Nouvelle-Zélande (13e) qui perd huit places d’un seul coup.