Salwa, Dounia et Lamia ont dévoilé une réalité difficile du métier de prostituée : la violence à laquelle elles font face au quotidien. Les trois femmes sont unanimes. Beaucoup de travailleuses de sexe se sont fait violer étant plus jeunes. Quelques unes, par un membre de la famille : un frère, le père. Dounia raconte : «J’ai une amie à moi qui se faisait violer par son frère quand il était sous l'effet du karkoubi (psychotrope, ndlr)», confie-t-elle. Salwa aussi se rappelle : «Plusieurs amies à moi me l’ont dit. Certaines ont subi le harcèlement de la part de leur père, de leurs frères». Dounia quant à elle, a été victime du viol conjugal au tout début, puis certains clients n’hésitaient pas à la frapper, abuser d’elle pour finir par ne pas la payer : «Chaque nuit et son lot de surprises (...) j’ai souvent eu des bleus partout», raconte la femme de 40 ans.
Considérer son corps comme un objet
Docteur Mohamed Fouad Benchekroun, psychanalyste, psychiatre et psychologue a livré à Yabiladi son avis sur ce qui amène les jeunes femmes à dévier dans la prostitution. Selon lui, chaque cas est différent. «Le première dérive est d’ordre économique, la plupart des femmes qui vont vers ce type de conduites ont des problèmes financiers», explique-t-il. «Il existe plusieurs cas de figure, certaines filles n’ont pas de jouissance avec leur partenaire. Elles vivent leur corps comme un objet, une marchandise», détaille le psychiatre. «Les familles sont souvent au courant. Les prostituées agissent avec la complicité de leurs proches. Mais par contre, ils n’en parlent pas entre eux. Le plus important c’est de ramener l’argent et c’est tout», ajoute-t-il.
Il explique en outre que certaines femmes qui choisissent cette voie, peuvent le faire aussi par amour, pour leur homme, «avec qui elles se sentent réellement aimée, elles sont prêtes à lui ramener tout ce dont il a besoin et ce qu’il demande», explique-t-il.
Un dernier cas, et celui-ci est «exceptionnel», des femmes qui le font «par quête de plaisir impossible. Elles cherchent en permanence une jouissance à laquelle elles ne peuvent pas accéder», précise le médecin. «Vous avez le dernier cas de figure, des filles qui ont fait l’objet d’abus pédophiliques, avec une culpabilité inconsciente. Elles se sentent responsables de ce qui leur est arrivé, et elles vont dans la dérive pour se déculpabiliser. Elles se disent ce n’est pas de ma faute, mon corps n’est qu’un objet», conclut le docteur Benchekroun.
Les trois femmes qui ont témoigné ont chacune une histoire. Salwa et Dounia ont pu s’en sortir. Elles se sont toutes les deux engagées dans l’associatif pour pouvoir aider les femmes prostituées à s’en sortir. «Je veux juste apporter mon soutien à ces femmes-là. J’ai une rage au fond de moi qui me pousse», s’insurge Salwa. Elle avait un refuge : «J’ai arrêté mes études jeune, mais j’ai gardé la passion pour la littérature, la lecture. Ça m’a permis de m’évader», confie la femme de 32 ans. «J’ai gagné le respect des gens à présent. Je ne veux pas le perdre», ajoute-t-elle. Dounia est aussi animée par une flamme puissante, elle veut se donner à cent pour cent : «Je veux faire de mon mieux pour aider», dit-elle.
Lamia, quant à elle est dans le milieu «depuis aussi loin que je puisse m’en rappeler», confie-t-elle. Ses fils ont 16 et 19 ans. «Ils sont au courant de ce que je fais, je ne peux pas leur cacher», avoue-t-elle. «Je souhaite vraiment me sortir de cette spirale infernale», ajoute la femme de 41 ans. Elle a commencé à postuler dans certaines associations pour pouvoir avoir un travail d’encadrante. «J’attends leur réponse avec impatience», conclut-elle pleine d’espoir.