Il n’y a pas que Hamid Chabat qui fait parler de lui cette semaine. Certains syndicats et associations professionnelles des chauffeurs de taxis rouges ne se sont pas privés de critiquer publiquement, depuis le début de cette semaine, le tout nouveau service «Vélos-taxis», inauguré par le roi Mohammed VI le 16 décembre dernier à l’ancienne médina de Casablanca. Dans des sorties médiatiques, accordées notamment à nos confrères de Hespress, le bureau local du Syndicat national des chauffeurs de taxis à Casablanca a qualifié ce projet d’«épidémie affectant le secteur des taxis», accusant les autorités de la ville de ne pas les avoir associés à ce dossier avant son lancement et son inauguration. Le syndicat accuse la Wilaya de Casablanca de faire la sourde oreille quant à leurs revendications et menace d’organiser une marche vers le Palais royal pour «bénéficier», eux aussi, de l’Initiative nationale du développement humain (INDH), compte tenu de «l’exclusion» dans laquelle ils vivent.
Mais «Vélos-taxis» est loin d’être l’unique projet qui a fait déborder la vase. Les chauffeurs de taxis ont aussi déterré la hache de guerre lancée contre les services d’Uber. Mardi, un sit-in devant les locaux de l’entreprise en charge de ce service aurait eu lieu, organisé par une dizaine de chauffeurs de taxis. Objectif ? Faire pression sur les autorités de la ville pour intervenir et mettre fin aux activités de l’entreprise à Casablanca. Les chauffeurs de taxis procèdent, depuis quelques semaines déjà, au repérage et au blocage des voitures d’Uber, avant de contacter la police pour arrêter les chauffeurs de ces véhicules.
Au lendemain du lancement d’un service de «co-voiturage», les chauffeurs de taxis rouges ont même investi les applications, se faisant passer pour des clients afin de traquer les chauffeurs d’Uber et procéder eux-mêmes à leur arrestation.
Que pensent les Casablancais ?
Et ce n’est pas tout. Les chauffeurs de taxis rouges veulent aussi «être associés» dans le cadre des projets d’extension et des nouvelles lignes du tramway pour avoir leur mot à dire dans le cadre des nouveaux tracés. Leurs revendications concernant ce dossier ont été abordées lors d’une rencontre avec les autorités de la ville blanche pour que les nouvelles lignes n’impactent pas leurs activités. De quoi irriter les Casablancais.
En effet, sur les réseaux sociaux, les commentaires où les internautes critiquent les chauffeurs de taxis et l’état de certains véhicules ne sont pas rares. Entre ceux appelant à «protéger les Casablancais des chauffeurs de taxis» et ceux qui encouragent Uber parce qu’il leur «facilite tellement la vie», les internautes racontent aussi des anecdotes et des histoires vécues.
Mais le ressenti général n’a visiblement aucun rapport avec la satisfaction quant aux services proposés aujourd’hui par les taxis rouges.
«La faute aux autorités», selon les chauffeurs
Les chauffeurs de ces derniers sont-ils conscients de ce que pensent les Casablancais à leur égard ? C’est la question que nous avons posée à deux responsables syndicaux pour connaître leur version. Contacté par Yabiladi pour avoir plus de précisions sur ces trois dossiers, Bouchaïb Abdelmoghit, secrétaire général du syndicat national des professionnels de taxi et de transport, reconnaît que ces dossiers ont été critiqués par certains syndicats. «Pour Uber, bien qu’il y ait toute une polémique, cette entreprise n’a aucune autorisation et il faut le reconnaître», nous répond-t-il. Pour lui, «face à une situation où les autorités ne peuvent pas intervenir pour retirer une autorisation qui n’existe pas, les chauffeurs de taxis ont investi l’application d’Uber pour se faire passer par des clients et donc parvenir à arrêter ces chauffeurs».
Reconnaissant que le secteur des taxis rouges connaît plusieurs dysfonctionnements, notamment l'état déplorable des véhicules et le comportement des chauffeurs des «petits taxis», le syndicaliste a tenu à s’expliquer. «Des fois, les citoyens se placent dans des zones interdites où les taxis ne doivent pas s’arrêter. Dans certains cas, un taxi vide ne veut pas dire qu’il est au début de son service et donc il faut que les gens prennent en considération ce genre de situation», insiste-t-il.
Bouchaïb Abdelmoghit ne manque pas d’évoquer les états de certains véhicules, rappelant que la procédure pour les remplacer reste «compliquée et longue», notamment du fait que le secteur «reste sous la tutelle de deux ministères : l’Intérieur via les Wilayas et celui des Transports».
Quant au tramway, notre premier interlocuteur saisit l’occasion pour pointer du doigt certains syndicats. «Nous n’avons pas de problèmes avec le tramway», nous affirme-t-il avant d’ajouter que «ce sont certains syndicats qui sont montés au créneau lors du lancement des premières lignes».
«A bord d’un taxi, le client a tout le choix d’indiquer où il souhaite être déposé contrairement au tramway. Chacun de ces moyens de transport a ses avantages et ses inconvénients mais il y a une concurrence loyale entre eux.»
Et les citoyens seraient, eux-aussi, des «complices»
Pour lui, «ceux qui veulent intervenir dans les tracés des futurs tramways ne sont pas des ingénieurs». «Nous avons émis une demande avec une seule condition : mettre à côté des lignes des passages réservés aux taxis et bus, interdits aux autres voitures afin d’éviter les bouchons et encourager les Casablancais à ne plus prendre leurs véhicules», conclut-il.
Mais Abdelhak Laabouki, membre du bureau local du Syndicat national des chauffeurs de taxis affilié à l’Union marocaine du travail, ne mâche pas ses mots. Tout en refusant de commenter l’information sur la réaction des chauffeurs de taxis rouges du projet «Vélos-Taxis», il estime que les autorités de Casablanca doivent les «associer» dans les projets de tramway. «Il ne suffit pas de nous informer. On doit être associé, vu qu’il y a des zones que le tram ne doit pas desservir», insiste-t-il.
Et du membre du bureau local du Syndicat national des chauffeurs de taxis de nous défier : «Casablanca ressemble désormais à une ville en ruine ; citez-moi un seul boulevard où il n’y pas de travaux», dit-il.
Abdelhak Laabouki ne se prive pas de fustiger également la société Uber. «Nous dénonçons le silence des autorités face à ce service opérationnel depuis plus d’un an. Les autorités ont des caméras sophistiquées et on ne comprend pas pourquoi les chauffeurs d’Uber ne sont pas arrêtés», confie-t-il. Quant au mécontentement des Casablancais, exprimés sur les réseaux sociaux, notre interlocuteur estime que «les citoyens y participent, puisqu’ils ne dénoncent pas ce genre de pratiques».