La question susciterait sans nul doute d’interminables débats, où se heurteraient probablement des points de vue irréconciliables. Elle mérite pourtant d’être soulevée : un fossé sépare-t-il l’homme de l’animal ? Non, serait, sans nul doute encore, tenté de répondre Ahmed Tazi, secrétaire général de l’Association de défense des animaux et de la nature (ADAN). «Quand on aime les hommes, on aime aussi les animaux», dit-il. Un mantra qui en (r)appelle un autre, attribué au poète français Lamartine, «On n’a pas un cœur pour les humains et un cœur pour les animaux, on a un cœur ou on n’en a pas». Voilà qui est dit.
En cette Journée mondiale des animaux, célébrée chaque année le 4 octobre depuis 1931, l’année de son instauration lors du Congrès international pour la protection des animaux à Florence, l’occasion est donnée de tâter le pouls de la condition animale au royaume. Du cadre juridique qui l’entoure, du moins. «Certaines lois ont été amendées mais ne sont pas appliquées. Quand on se trouve face à un cas de sévices, les forces de l’ordre sont enclines à nous solliciter. Mais lorsque l’auteur d’actes de maltraitance comparaît devant le tribunal, ça n’aboutit à rien, ou si peu», se désole Ahmed Tazi. Près de Rabat, une femme qui se livrait à des pratiques de magie noire avait été arrêtée pour avoir cousu la mâchoire d’un chat, raconte-t-il. Verdict du tribunal ? Quatre mois de prison ferme. «Ce n’est ni répréhensif, ni dissuasif», juge le militant.
Des interprétations religieuses à l’origine de certains actes
En septembre 2015, l’ADAN, affiliée au Réseau des associations de protection animale et de développement durable (Rapad), a déposé une proposition de loi en partenariat avec le Conseil national de l'ordre des vétérinaires et l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), entre autres, pour «contrer» la loi 12-56 relative aux chiens dits dangereux. «Ce texte, basé sur n’importe quoi, mélange tout. Il considère que tout chien sans laisse, même celui qui appartient à quelqu’un, est forcément dangereux.» Ou comment l’appareil judiciaire ouvre ainsi la porte à tous les excès, tels qu’en ont connus les villes de Ksar el-Kébir, Chichaoua et Sidi Moussa, dont les chiens errants ont été abattus à coups de fusil par des habitants en début d’année. La proposition de loi, dont plusieurs chercheurs, avocats et vétérinaires ont signé la rédaction, est toujours dans le circuit législatif : restée lettre morte, elle se morfond actuellement dans la deuxième chambre du Parlement, d’après Ahmed Tazi.
Les chats, eux, ont un peu plus de «chance» dans leur malheur. La population se familiarise davantage avec les félins, avance l’activiste, tandis que les chiens, qu’on imagine souvent porteurs de la rage, ou de la peste, font peur. «Certaines personnes sont ignorantes par rapport à la religion, qu’elles interprètent mal. Il semblerait que la salive des chiens soit impure. C’est évidemment faux», corrige-t-il.
L’association britannique «Dog trust» devrait peut-être aider les associatifs à changer la donne. Celle-ci se rendra bientôt à Rabat pour y dispenser une formation de capture «humaine et éthique» des chiens auprès des agents de la fourrière.
Des bénévoles d’associations de protection animale doivent également prendre part à ces sessions. Signe que tout n’est pas perdu, le Rapad s’invitera en novembre prochain à Marrakech à l’occasion de la COP 22 pour sensibiliser les acteurs politiques à la protection de nos amis à quatre pattes. «Depuis la création des COP, c’est la première fois qu’un réseau de défense des animaux prend part à l’évènement», se réjouit Ahmed Tazi. On espère que ce ne sera pas la dernière.