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Grand Angle

Maroc : Des acteurs associatifs appellent à ne pas manifester le 20 février

Une partie de la société civile marocaine se montre réticente quant aux appels lancés par le mouvement des jeunes du 20 février à manifester dans les différentes villes du Royaume. Des associations comme «Touche pas à mon pays» ou encore «Marocains pluriels» craignent une déstabilisation du pays, manifester serait irresponsable. Des réformes peuvent être déclenchées par voie institutionnelle et à travers les urnes.

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L'actualité marocaine est marquée par les appels à manifester le 20 février, jour que les organisateurs ont placé sous le signe de la «dignité». Les jeunes à l'origine des appels doivent faire face à une véritable campagne de dénigrement. Accusations fallacieuses, images et vidéos manipulées ont donné l'impression d'un niveau de débat très bas.

Un simple effet de mimétisme ?

Plusieurs associations marocaines veulent contrer cette impression et rehausser le niveau du débat. Sans tomber dans l'attaque personnelle des membres du mouvement du 20 février, elles appellent à ne pas manifester dimanche, estimant que des manifestations n'ont pas lieu d'être.

Ainsi, le Mouvement «Matkich Bladi», «Touche pas à mon Pays», dans un communiqué publié le 18 février, mentionne la liberté de manifester de tout citoyen marocain, un droit garanti par la Constitution marocaine.

Mais en même temps, le mouvement appelle «l’ensemble de ses membres et sympathisants à ne pas manifester ce 20 février». Principal argument : le mouvement des jeunes du 20 février ne serait qu'un «mimétisme inacceptable avec les évènements en cours au Maghreb et au Moyen Orient.» Matkich Bladi rappelle également les réformes entreprises au Maroc depuis 11 ans, en insistant sur le fait que le tissu associatif est dense de plus de 100 000 organisations, et que «depuis plus de 40 ans, le pays s’est doté du pluralisme politique».

L'association qui avait notamment appelé à participer à la Marche de Casablanca en novembre dernier reconnaît cependant que l'espace politique au Maroc «se doit d’intégrer la jeunesse marocaine. Son dynamisme et sa vivacité permettront de constituer de véritables forces de propositions et d’influer sur la vie économico-socio-politique». C'est pour cette raison que Matkich Bladi appelle à «entamer les débats et discussions qui permettent de garder avec l’ensemble de nos compatriotes marocains, un esprit de solidarité, de concorde, et d’union, afin de démontrer à l’ensemble du Monde le niveau de maturité politique atteint par le Maroc.» En résumé, selon l'association, une manifestation et les revendications des manifestants n'ont pas réellement lieu d'être, mais le clivage entre le monde politique marocain et la jeunesse du pays est un problème réel qui doit être adressé.

Revendications légitimes, manifestations dangereuses

Un ton légèrement différent apparaît dans un communiqué de l'association Marocains Pluriels, basée à Mohammedia. Cette association de dialogue entre Marocains du Maroc et de l'étranger met plus en exergue le fait qu'au Royaume, «nul(le) Marocain(e) aimant son pays prétendra que tout va bien». «Revendiquer, réclamer ses droits – en assumant ses devoirs – lutter contre l'exclusion, contre les inégalités, contre la 'hogra'... sont des actes civiques, des preuves de vitalité et d'implication d'une jeunesse!», constate l'association. Ces revendications, «dès lors qu'elles émanent du vécu et du ressenti de la jeunesse, ont leur légitimité», mais «dans ce contexte, une seule mais fondamentale question se pose à nous : La marche dont il est question servira-t-elle ces nobles objectifs ?»

Sur ce point, l'association émet des doutes, et prend ainsi une position similaire à celle d'un groupe Facebook, nommé «Débat national marocain». Deux arguments sont mis en avant. Premièrement, Ahmed Ghayet, président de l'association Marocains Pluriels estime que «rien ne me garantit que je ne serai pas manipulé, détourné, utilisé» par les leaders du mouvement du 20 février, d'autant plus que «nous ne savons même pas qui nous appelle à manifester».

Deuxième argument : s'exprimer politiquement ne doit pas forcément passer par l'acte de manifester. «De multiples moyens s'offrent à nous, au premier rang desquels le vote, mais aussi l'engagement citoyen, le militantisme associatif, l'initiative au quotidien». Selon Ghayet, «nombreux sont les espaces d'expression (radios, journaux, associations, conseils municipaux publics etc.) ouverts à notre parole.» «Investissons-les pour faire entendre nos voix», appelle-t-il. Cela serait faire preuve de «responsabilité» envers le pays, le mot clé du communiqué de l'association.

Comme Matkich Bladi, Marocains Pluriels redoute le chaos qui peut s'ensuivre d'un mouvement de contestation au Maroc. Ces associations ne tombent pas dans une logique de dénigrement. En même temps, elles soulèvent des craintes que seuls les manifestants pourront désamorcer.

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