A quelques mois de la fin de son mandat, le gouvernement Benkirane est sur le point d’adopter le projet de loi organique de l’officialisation de la langue amazighe. La mouture, élaborée exclusivement par la présidence du gouvernement, ne devrait guère satisfaire les mouvements amazighs. Et pour cause, elle ne prévoit pas une opérationnalisation immédiate de l’article 5 de la Constitution de 2011, optant plutôt pour un mode progressif décliné en trois étapes : cinq ans, dix ans et quinze ans à partir de la publication de la loi au Bulletin officiel.
Comprenez par là que la généralisation de l’enseignement de l’amazigh dans les cycles primaires, collégiaux et secondaires ne sera effective que dans un délai de cinq ans. Il en va de même auprès des tribunaux du royaume qui devraient être équipés de moyens à même d’assurer une traduction pour les amazighophones.
Le délai sera encore plus long pour les deux Chambres du Parlement : il faudra attendre dix ans pour la traduction simultanée des interventions des représentants et conseillers en amazigh vers l’arabe à l’occasion des sessions hebdomadaires des questions orales, des plénières ou des travaux de commissions.
Vers une session extraordinaire du Parlement ?
Dix années seront nécessaires pour la création de branches dédiées à l’étude des langue et culture amazighes dans l’enseignement supérieur. Il faudra un laps de temps similaire pour voir l'alphabet tifinagh figurer aux côtés de l’arabe sur des documents administratifs comme la carte d’identité nationale, le permis de conduire, les passeports ainsi que les cartes de séjours pour les immigrés. Ce même délai est également requis pour l’«amazighisation» des billets de banques, des timbres postaux et administratifs et des sceaux.
A moins d’une session extraordinaire du Parlement en août ou en septembre, l’adoption du projet de la loi organique de l’officialisation de la langue amazighe risque d'être repoussée à la prochaine législature. L’article 86 de la loi fondamentale exige en effet du gouvernement l’adoption de toutes les lois organiques et leur soumission au Parlement «dans un délai n’excédant pas la durée de la première législature suivant la promulgation de ladite Constitution».
En janvier, le chef de l’exécutif avait mis à la disposition des Marocains une adresse mail pour recevoir leurs propositions concernant l’opérationnalisation de l’article 5 de la Constitution de 2011.