Il ne fallait peut-être pas s'attendre à plus, lors de cette rencontre qui s'est tenue du 21 au 23 janvier à Manhasset (New York), entre représentants du Maroc et du Polisario. Les Nations-Unies et son envoyé spécial pour le Sahara occidental, Christopher Ross, la Mauritanie et l'Algérie, tous présents aux négociations, n’y ont pas changé grand-chose : trois jours ne sont pas assez pour surpasser les différends qui existent entre les deux parties en conflit.. Le plan marocain d'autonomie pour le Sahara d'un côté et l'insistance de l'autre sur la tenue d'un référendum avec la possibilité d'obtenir l'indépendance restent incompatibles. A l’issue des pourparlers informels, Christopher Ross a déclaré que «chaque partie a continué à rejeter la proposition de l'autre comme base unique des négociations à venir».
Trinidad Jiménez offre le soutien de l’Espagne
La ministre espagnole des Affaires étrangères, Trinidad Jiménez, a pu constater ce statu quo en discutant lundi 24 janvier à New York avec Christopher Ross et le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon. Mais selon le quotidien espagnol El Pais, ce qui importe à la ministre est que les deux parties continuent de négocier un accord et qu’elles rapprochent progressivement leurs positions respectives. Pour cela, elle propose l’aide du «Groupe des amis» : les Etats-Unis, la Russie, la France, le Royaulme-Uni et l’Espagne. «Nous devons tous donner le mieux de nous-mêmes», affirmait la chef de la diplomatie espagnole.
De possibles chemins à explorer
Certains facteurs laisseraient déjà espérer un avancement dans les négociations. Selon l'agence de presse Reuters, Ross aurait constaté «des approches innovantes pour construire une nouvelle dynamique … sur la base de rencontres régulières.»
Des voyages réguliers à New York coutent certes, mais peuvent également aider à établir un terrain d'entente sur des sujets secondaires du dossier. La prochaine rencontre est déjà prévue pour le mois de mars, et l'accord sur un tel terrain d'entente sera l’objectif principal, semble-t-il.
Reuters mentionne par ailleurs deux sujets qui pourront faire l'objet de discussions : les droits de l’homme au Sahara, et la question sur qui profite des ressources naturelles dont dispose le Sahara occidental.
Le sujet des droits de l'homme a été soulevé par le Polisario, qui aimerait voir le Maroc condamné pour les violences intervenues lors du démantèlement du camp de Gdeim Izik, près de Laâyoune, en novembre dernier. Il demande une enquête internationale et indépendante sur les violences commises. Mais il semblerait que le front ait dilué son vocabulaire. Le terme «génocide» a été remplacé par une «attaque sanguinaire des forces marocaines»...
La Maroc, quant à lui, a fait écho aux accusations souvent exprimées qu'il pillait le Sahara de ses ressources. Le ministre des Affaires étrangères, Taib Fassi Fihri, a ainsi proposé d'évaluer les ressources naturelles dont dispose la région et «la manière positive dont elle sont exploitées au profit des populations locales», rapporte la MAP. Une concession à mettre dans le contexte des négociations avec l'Union Européenne sur l'accord de pêche et l'inclusion (ou non) des eaux territoriales au large du Sahara occidental ?
Une troisième force aux négociations ?
La proposition la plus prometteuse sur le long terme des pourparlers à New York semble être celle faite par Taib Fassi Fihri sur une possible participation d'une force tierce aux pourparlers. «Elargir la composition des délégations officielles par l'introduction de représentants de la population sahraouie afin qu'ils puissent exprimer leur volonté et faire part de leur position au sujet de l'initiative marocaine d'autonomie», cela pourrait effectivement apporter du nouveau. Mais tout dépend de qui partira représenter la population sahraouie.
L’idée d’une troisième force avait déjà fait surface pendant les manifestations au camp de Gdeim Izik. Ces manifestations, avant d’être récupérées politiquement par des forces séparatistes, avaient pris l’allure d’un véritable mouvement social autonome. Des revendications non pas séparatistes, mais socio-économiques, basées sur les problèmes rencontrés dans les provinces du sud, avaient amené Pedro Canales, journaliste au quotidien El Imparcial, à parler d’une troisième force politique au Sahara, en plus du Polisario et du CORCAS.
Pas maintenant
«En effet», écrivait-il, «c’est la première fois depuis la sortie de l’Espagne de l’ex-colonie africaine que s’est constitué un mouvement autonome qui représente une part de la population sahraouie, et cela crée une nouvelle situation dans la représentation politique de la population.» Un mouvement qui permettrait aux Sahraouis du Maroc, mais aussi de la Mauritanie, des iles Canaries et autres d’être représentés par une organisation autre que le Polisario.
Pas mal de temps risque de s’écouler d’ici à ce qu’une telle troisième force autonome s’organise réellement et que le Maroc et le Polisario l’acceptent à la table des négociations en tant que partenaire à part entière. Comme l’estime Trinidad Jiménez : «Il est difficile de croire qu’on puisse trouver une solution dans le court terme».