- Yabiladi : Malgré le recours déposé par l'Union européenne, l'Etat marocain a officialisé le gel des relations avec l'UE. Quelle est votre réaction au message de fermeté du chef du gouvernement marocain ?
- Rupert Joy : Nous avons pris note de la déclaration du chef du gouvernement marocain. Nous sommes tout à fait d'accord avec le Maroc que le partenariat exige écoute, partage, solidarité et respect mutuel. Nous estimons que la réaction de l'Union européenne depuis la décision du tribunal du 10 décembre a été exemplaire. Une déclaration a été faite rapidement, dès le lendemain par la Haute représentante. La décision du Conseil, le 14 décembre, a été unanime pour faire appel de cette décision. Sans oublier tout le travail des services concernés pendant 2 mois pour préparer le pourvoi. Durant cette période, le Maroc a été tenu informé de cette procédure dans le cadre des contraintes judiciaires qui s'applique. Ce qui semble clair c'est que le Maroc ne partage pas ce point de vu. Ce qui est donc important aujourd'hui, c'est de donner toutes les assurances et les clarifications nécessaires pour répondre aux préoccupations du Royaume.
Le Maroc insiste sur l'insuffisance des informations qui lui ont été transmises concernant le recours déposé par Bruxelles...
Il y a séparation des pouvoirs dans notre système... Comme dans le votre. Même si cette décision vise avant tout les institutions européennes, nous comprenons que cela a des implications pour le Maroc. Mais nous sommes aussi concernés. Je connais bien le Maroc, et je n'ai aucun doute sur l'importance de la question du Sahara occidental. Toutes ces questions ont été prises en compte par les services concernés lors de l'élaboration du recours et nous avons tenu informé le Maroc dans le cadre des contraintes judiciaires.
Si la décision du tribunal est confirmée en appel, l'impasse sera totale car il faudra réécrire, renégocier, l'accord agricole. Or le message du Maroc c'est qu'il n'en est pas question...
Si cela arrive, nous passerons à une situation différente. Mais je ne souhaite pas spéculer sur des situations hypothétiques. En tant que partenaires, il faut que nous surmontions les obstacles ensemble.
S’il doit y avoir gel, y a-t-il un risque d'annulation des programmes de coopération prévus en 2016 ?
Pour le programme de coopération, les implications ne sont pas encore très claires pour l'instant. (...) Parfois nous avons des calendriers très serrés et des règles à respecter. Cela pose des défis tout le temps, même quand tout va bien. Pour l'instant je ne veux faire de spéculation sur cette question, car la chose primordiale est de faire en sorte de pouvoir relancer notre travail en commun dans tous les domaines.
Vous pensez que les liens qui unissent le Maroc et l'UE sont suffisamment solides pour dépasser ces tensions ?
C'est un partenariat qui est important pour nous. Nous sommes des partenaires de très longue date. Il se trouve que cela coïncide avec le 20ème anniversaire de la signature de l'accord d'association. Mais ce partenariat date de bien plus longtemps en réalité, et qui couvre de nombreux domaines comme l'agriculture, la santé, les énergies renouvelables, les infrastructures, la gouvernance, les droits de l'Homme,... C'est donc un partenariat important pour le Maroc mais également pour l'Union européenne. C'est un partenariat solide, pérenne. L'Union européenne n'est pas un ami des beaux jours. Nous voulons rester aux côtés du Maroc.
Quels sont vos contacts avec les autorités marocaines ? Quelle est la prochaine étape ?
Nous n'avons pas de difficultés dans les contacts avec les autorités marocaines. Il y aura certainement des échanges au cours des prochaines semaines, afin d'apporter les clarifications et les assurances que le Maroc souhaite. Ce qu'il faut retenir c'est qu'à Bruxelles il n'y a pas le moindre doute sur l'importance de ce partenariat. Et encore plus aujourd'hui vu la situation fragile et compliqué de la région. Il y a une détermination ferme à Bruxelles pour trouver une solution à cette crise. Une fois cette question résolue, je n'ai pas le moindre doute que nous allons intensifier ce dialogue, intensifier ce partenariat et commencer à travailler sur de nouveaux défis comme la jeunesse, le changement climatique, la migration ou la sécurité. Et dans ces différents domaines, le Maroc a des atouts à offrir au reste du monde et à l'Europe en particuliers.