Nouveau rebondissement dans les relations maroco-françaises. La visite de Mezouar à Paris, prévue le vendredi, et annoncée solennellement ce lundi par le ministre dans des déclarations à la MAP, a été reportée à une date ultérieure. Du côté du ministère des Affaires étrangères, l’heure est au silence absolu. Le dossier est tellement sensible et dépasse de loin son champ d’actions.
Des explications peu crédibles
En l’absence de réaction officielle à même d’expliquer ce revirement à l’opinion publique, certains médias ont tenté de jouer ce rôle, mais en avançant des thèses peu crédibles. Ils évoquent ainsi les propos, qualifiés au passage de «couacs», de Christine Taubira sur la liberté de caricature au Maroc, comme l’une des «raisons» de la nouvelle colère marocaine.
Sauf qu’ils oublient sûrement dans la précipitation que l’intervention de la ministre française de la Justice remonte au 14 janvier, soit cinq jours avant que Salaheddine Mezouar n’annonce officiellement son déplacement en France pour «faire le point, comme il l'a souligné, sur les différents aspects de notre coopération bilatérale et ce, dans le contexte particulier et douloureux que traverse la France».
Par ailleurs, il s’avère que le «report» du déplacement a pris du court même l’ambassade du royaume à Paris. Hier, elle réagissait vivement à des rumeurs publiées par la presse prétendant que le Maroc aurait exigé une «immunité à ses officiels» en voyage en France. «Ceux qui distillent ce genre d'insanités veulent en fait polluer la visite annoncée du MAE marocain à Paris», s'insurgeait la représentation diplomatique.
Absence de stratégie
L’annulation de la visite de Mezouar à Paris atteste que sur les relations avec la France, les officiels marocains ne jouent pas la même partition. D’un côté, il y a ceux qui défendent le maintien des liens avec l’ancienne puissance coloniale alors que d’autres ambitionnent de couper le cordon ombilical au profit d’un renforcement de la coopération avec l’Espagne, la Turquie, la Chine et la Russie, ou du moins attendre le retour de la droite au pouvoir en 2017 pour une relance de l’axe Rabat-Paris.
Un pari qui peut s'avérer dangereux sachant que l’opinion publique est versatile. Le précédent de la victoire de François Mitterrand à la présidentielle de 1989 alors que Jacques Chirac, à l'époque premier ministre, était largement donné vainqueur, devrait pousser le Maroc à la prudence. Sur les traces du premier président de gauche, la popularité de Hollande est en train de monter dans les sondages suite à l’attaque de Charlie Hebdo. Il offre un gage de stabilité et d’assurance pour la société française face aux déclarations intempestives de la droite et l’extrême droite contre l’immigration et l’islam.
Cette rivalité entre deux clans au sein du pouvoir marocain pourrait expliquer les altermoiements dans la stratégie du royaume vis-à-vis de la France.