Visiblement, les relations entre Rabat et le Caire passent par une période de turbulence. Un reportage de trois minutes diffusé hier soir sur le JT d’Al Aoula montre que tout n’est pas rose en ce moment entre les deux pays. C’est la première fois qu’un média officiel marocain traite de cette manière la destitution du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans. La chaîne publique marocaine n’y va pas de main morte et qualifie cet acte de «coup d’Etat» qui a mis un terme au «processus démocratique». Le reportage ajoute ensuite qu’il s’agit d’une «journée sans précédent dans la mémoire du peuple égyptien».
2M a été également appelé en renfort mais dans une moindre mesure. La chaîne de Aïn Sebaâ a aussi consacré un reportage au pays des Pharaons lors de sont JT. Mais ses attaques n’étaient pas aussi virulentes qu’Al Aoula, préférant se focaliser sur la chute des recettes touristiques, et ce, depuis l’éviction de Hosni Moubarak.
Le fait que la télévision publique s’intéresse à l’Egypte au même moment ne peut pas être que le fruit du hasard, surtout que l’actualité ne le justifiait pas forcément. Le Maroc opère là un revirement spectaculaire. Il faut se rappeler que le roi Mohammed VI avait été, deux jours après le putsch, l’un des premiers leaders du monde à féliciter le président par intérim Adly Mansour, installé par Abdelfattah Al Sissi.
Al Sissi est «le leader des putschistes»
Les commentaires de la journaliste d’Al Aoula ont été complétés par des déclarations d’un analyste politique, Mohamed Benhammou, président du Centre des études stratégiques. Ce membre du PAM est un habitué des plateaux des chaînes marocaines, notamment sur Medi1 TV, où il relaie la version officielle sur certains dossiers régionaux.
Le reportage de la première chaîne était agrémenté par des images de manifestations des partisans des Frères musulmans et de blessés à l'occasion d'affrontements avec les forces de l’ordre, comme lors des événements sanglants du 14 août 2013. Pire encore, Al Aoula a remis en question l’élection d’Al Sissi à la présidence, évoquant le fait que 25 millions d’électeurs égyptiens avaient boudé le scrutin du 26 mai 2014. L’actuel président égyptien est même présenté comme «le leader des putschistes». L’homme fort du Caire n’est visiblement plus «le leader avisé» dont parlait le message royal du 3 juin 2014.
L’Egypte s’approche du Polisario et ses médias attaquent le roi
Le soutien sans faille des plus hautes sphères du pourvoir marocain au régime d’Abdelfattah Al Sissi, et ce dès le premier jour de la destitution de Mohamed Morsi ne semble pas avoir porté ses fruits. Le nouveau pouvoir en place en Egypte a adopté une politique agressive à l’encontre du royaume, notamment sur le dossier du Sahara occidental.
Dans une opération bien orchestrée, Mohamed Abdelaziz, le chef du Polisario, a multiplié les apparitions dans des publications très proches d’Al Sissi (Rosa Al Youssef, Al Masri Al Yaoum). Fin octobre, le rapprochement s’est accéléré avec la visite aux camps de Tindouf d’une délégation conduite par le n°2 du ministère de la Culture. Parallèlement à cette proximité politique avec le Front, des ordres ont été donné à certains animateurs du petit écran pour lancer une campagne de dénigrement contre le Maroc, son peuple et Mohammed VI.
Aujourd’hui et en l’absence d’une réaction officielle de la part des autorités du Caire, des médias égyptiens, proches du pouvoir, se disent surpris par le changement de la position marocaine. Ils lient ce retournement aux récentes attaques visant le roi Mohammed VI exprimée par le présentateur d’une émission sur une chaîne égyptienne.