La part des surélévations dans le Grand Casablanca est d’ «au moins 25% du bâti», a estimé Abdelwahed Mountassir, président du Conseil de l’Ordre national des architectes dans une interview accordée au journal L’Economiste et publiée dans l’édition de ce mardi.
«Cadeau empoisonné des élus locaux dans les années 80»
D’après ce spécialiste, le phénomène touche «tous les lotissements autorisés en R+1 et R+2 avant les années 80». A l’époque, explique-t-il, ces surélévations avaient été obtenues «par l’insistance des élus locaux au profit de leur électorat». En clair, les propriétaires ou professionnels de l’immobilier voulaient coûte que coûte rentabiliser au maximum leurs investissements en équipant les immeubles du maximum d’étages. Et plus soucieux de s’assurer des voix que de l’avenir de la métropole, les élus ont accepté le «marché». «C’était un cadeau empoisonné», juge M. Mountassir.
Le patron des architectes marocains note que Casablanca, tout comme les grandes villes du monde, s’est inscrite dans une dynamique de densification pour éviter l’étalement. Seulement, les reconversions de villa en immeuble notamment n’ont pas toujours été réalisées dans le respect des normes, la «faisabilité technique» n’ayant pas été vérifiée. «Fatalement, nous nous trouvons aujourd’hui avec des milliers de cas à haut risque», regrette-t-il, soulignant que «même des constructions neuves connaissent les mêmes problèmes».
L’un des immeubles qui s’est effondré à Bourgogne était deux fois trop surélevé
Voilà donc la situation de l’habitat dans la capitale économique. Et la chose est d’autant plus sérieuse qu’il est possible que la surélévation ait contribué à l’effondrement, le 11 juillet dernier, de l’un des immeubles de Bourgogne. En effet selon le rapport du Conseil marocain des droits de l’homme (CMDH) sur le drame de Bourgogne, tel que relayé par nos confrères de Medias 24, l’immeuble qui s’est écroulé en premier était autorisé à l’origine en R+1. Mais 2 étages y avaient été rajoutés en 1998, et ce «sans autorisation, avant la construction de deux autres étages au cours de ces derniers mois».
Et comme pouvait le relever Abdelwahed Mountassir, «la hauteur ne tue pas, c’est la corruption qui tue». Car à plusieurs niveaux, l’on préfère monnayer plutôt que de travailler dans le respect des normes.
Cet événement tragique a une nouvelle fois suscité le débat autour des responsabilités dans l’acte de bâtir, une question à laquelle la loi actuelle ne répond pas. Ce flou a d’ailleurs emmené le ministre de l’Habitat, Nabil Benabdellah, interrogé à la Chambre des conseillers, à renvoyer la balle dans le camp des élus locaux, concernant le drame de Bourgogne. L’entrée en vigueur du nouveau code de la construction devra absolument pallier toutes ces lacunes. A priori, cela ne devrait plus tarder puisqu’il est désormais entre les mains du Secrétariat général du gouvernement.