«Voler plus de 3500 miles de New York à Casablanca pour moins d'une minute de musique peut sembler un peu extravagant». Et pourtant, le journaliste Zack O'Malley Greenburg, qui travaille pour le magazine américain Forbes l’a bel et bien fait. Dans un reportage publié mardi 6 mai sur son site web, ce dernier raconte, en effet, comment il a fait le voyage jusqu’au Maroc pour écouter un seul extrait du dernier album des Wu Tang Clan.
En avril dernier, le légendaire collectif de hip-hop américain annonçait la sortie d’un nouvel album «comme personne d'autre ne l'avait fait auparavant». Baptisé «Once Upon a Time in Shaolin», le chef d’œuvre en question a été produit en un seul et unique exemplaire pour être vendue par la suite à des millions de dollars. Et pour garder le secret le plus longtemps possible, le double opus a été caché dans une boite en argent grise, sculptée à la main par Yahya, un célèbre artisan britano-marocain installé à Marrakech.
Au Royal Mansour
Aujourd’hui, on apprend que l’album se trouve dans un hôtel luxueux de la ville ocre : Le Royal Mansour, où le tarif de la nuit en riad est compris entre 2250 et 50 000 dollars. «Nous avons beaucoup de chance d'être en mesure de le cacher ici, loin des regards indiscrets», explique le créateur de la boîte, Yahya, qui a exposé certaines de ses autres œuvres dans ce même hôtel. «Maintenant, nous avons ouvert la boite ... nous devons trouver quelqu'un d'autre pour la cacher», ajoute-t-il.
«En dépit de ce que tout le monde peut penser, que c'est un grand coup de publicité ou un stratagème de marketing, cela est parti d’un véritable concept dès le départ (…) avec un noyau authentique et un véritable objectif», a fait savoir de son coté le producteur marocain de l’album Tarik Azzougarh, plus connu sous le pseudo Cilvaringz, aujourd’hui considéré comme un membre de la famille des Wu Tang Clan.
Retour à l'âge de la Renaissance
Le concept choisi par le collectif américain a, en effet, étonné plus d’un aux Etats-Unis, les médias et les maisons de disques entre autres. «Les gens réagissent d’une manière très intéressante», estime Cilvaringz. «Et ça, c’est l'une des choses que nous voulions pour commencer : ouvrir le débat», poursuit-il. «(Il s'agit de) d’intensifier le débat et de reconsidérer notre vision sur la musique et la valeur qu’elle a dans votre vie».
Pour Tarik Azzougarh, l’objectif de ce concept est aussi de revenir à «l’âge de la Renaissance». «Regardez Beethoven, Bach, Mozart. Vous les tenez dans le même niveau d’estime que Rembrandt et Van Gogh. Ces gens, vous n'avez pas vraiment de différence avec eux, vous venez de dire qu'ils sont de grands maîtres de l'art de cette époque. Mais aujourd'hui, (les musiciens) ne valorisent pas leur travail, ils ne se valorisent pas les premiers, et bien sûr le marché ne valorisent pas leur travail en retour», explique-t-il.
«L’idée d’affirmer que la musique est un art… C’est quelque chose que nous défendons depuis des années. Et pourtant, celle-ci ne reçoit pas le même traitement que les autres arts, particulièrement aujourd’hui où elle est sous-évaluée au point que l’on pense qu’elle doit être diffusée gratuitement», expliquait RZA lui-même. «Je pense que c'est un portrait musical qui va révolutionner la musique à l'avenir», déclarait de son coté Masta Killa, un autre membre du Wu-Tang Clan.
Avant de mettre l’album en vente, les membres du Wu Tang Clan prévoient de l’emmener en tournée à travers des musées, des galeries et des festivals d’art. Les visiteurs devront alors débourser entre 30 et 50 dollars pour écouter les 31 chansons de l’album et découvrir la fameuse boite argentée qui le protège. Aucun enregistrement ne sera possible sur place, puisque le groupe prévoit de mettre en place un dispositif de sécurité très stricte. L’objectif est d’éviter toute fuite.
Wu-Tang Clan's Secret Album Unveiled (Forbes)