- Yabiladi : Que peut-on dire aujourd'hui sur le projet d'Union pour la Méditerranée ?
- Tomas Dupla del Moral : Il s’agit d’une initiative de longue haleine et nous sommes encore dans une phase de construction de l’initiative. Depuis juillet 2008, des pas importants ont été franchis, comme par exemple la désignation de Barcelone comme siège du Secrétariat, la nomination du Secrétaire général et l’adoption des statuts du Secrétariat après de complexes négociations. Il est évident que 2009 a été une année difficile après ce qui est arrivé à Gaza et l’inévitable interruption, pendant plusieurs mois, de la plupart des activités. Le projet avance et il va le faire de façon encore plus déterminante avec la tenue du deuxième sommet de l’UPM à Barcelone le 7 juin.
- Sur un plan opérationnel, comment est organisée la structure UPM et quels sont les projets en cours ?
- L’UPM a introduit trois grandes nouveautés institutionnelles. D’abord la tenue de sommets tous les deux ans, ensuite la coprésidence nord-sud qui confirme l’objectif de co-appropriation et de co-responsabilité de l’initiative. Et enfin, la création d’un secrétariat conjoint, axé sur les projets, avec la légitimité de représenter tous les partenaires dans la recherche et la promotion de grands projets communs à caractère régional et transnational. Comme vous le savez, six projets ont été identifiés au sommet de Paris. La Commission a décidé d’apporter un financement de 60 millions d’euros en juillet 2009 pour cinq de ces six projets qui, d’ailleurs, avaient été proposés par la Commission lors de la préparation du sommet. Les projets sont dans leur phase initiale mais l’important est de permettre au Secrétariat d’assumer son rôle de promotion et de donner à ces projets une impulsion nouvelle avec la participation de nouveaux partenaires et de nouveaux bailleurs de fonds. Pour ce faire, il faut un engagement collectif et un co-financement de toutes les parties, y compris du secteur privé pour qui les intérêts sont importants. C’est le cas de l’énergie solaire, des transports ou de la dépollution.
- Qu'en est-il du devenir du Processus de Barcelone ?
Le Processus de Barcelone est la base sur laquelle l’UPM s’est bâtie. Son acquis, très important pour la coopération régionale, est préservé, en premier lieu, par la continuité des réunions ministérielles (environ 10-12 par an) qui établissent des objectifs communs et décident des programmes d’action dans des domaines aussi divers que l’environnement, l’égalité des genres, l’énergie ou l’eau. Je pense également aux projets de création de la zone de libre-échange euromed, aux réseaux de société civile, aux programmes de jeunesse, aux programmes sur le patrimoine culturel ou à la Fondation Anna Lindh. Je pense aussi à tous les programmes sur les médias ou sur les femmes et aux programmes économiques dans différents domaines. Sans le Processus de Barcelone, l’UPM n’existerait pas ou aurait dû commencer là où Barcelone a commencé il y a 15 ans.
- Où en est-on de la mise en place d'une plateforme dédiée au développement des échanges commerciaux entre les 2 rives et la création d'un espace économique commun ?
- C’est justement le domaine dans lequel, grâce au projet commencé à Barcelone en 1995, on a le plus avancé. Aujourd’hui, nous avons des accords de libre-échange avec presque tous les pays de la rive sud de la Méditerranée sauf un pays avec lequel on a déjà négocié l’accord et nous sommes prêt à commencer sa mise en œuvre et un autre pays avec lequel nous sommes en négociation mais qui ne participe pas à l’UPM.
Cela signifie que, d’ici quelques années, il y aura un libre-échange complet dans les produits industriels entre l’UE et le sud de la Méditerranée. Dans les produits agricoles et les produits transformés, nous avons avancé dans la libéralisation des échanges avec plusieurs pays et la plupart des produits vont être aussi couverts par le libre-échange.
Il nous reste à avancer dans le domaine important des services, qui fait l’objet des négociations avec les pays de la région. Il reste aussi à avancer davantage sur la voie de libre-échange sud-sud, notamment avec l’extension de l’accord d’Agadir à d’autres pays. Mais, sur le plan général, le bilan est positif et les échanges augmentent et se développent entre l’Europe et la Méditerranée. C’est une «success story» collective !
- On a aussi parlé de projets environnementaux, qu'en est-il ?
- Deux grands projets ont été initiés : la dépollution de la Méditerranée et le plan solaire méditerranéen. Tout deux ont un potentiel considérable. Ils doivent attirer la participation du secteur privé et concernent des enjeux stratégiques partagés par tous les partenaires. Ce sont des exemples clairs de domaines où il y a des synergies incontestables et où les pays doivent collaborer pour travailler ensemble. Parce qu’individuellement, ils ne pourraient pas aborder les problèmes majeurs qui impliquent la dépollution de la méditerranée ou la création d’un réseau d’énergie solaire avec une technologie appropriée.
- Que manque-t-il alors pour mettre définitivement sur les "rails" ce projet ambitieux ?
Le projet est sur les rails mais parfois la situation «macro-politique» n’aide pas à avancer à la vitesse souhaitée. Le conflit au Moyen-Orient et les différents qui persistent entre plusieurs pays empêchent une collaboration accrue. Le volontarisme de certains pays et des institutions européennes ne suffit pas toujours. La situation, sur le plan des relations internationales, reste, parfois, difficile et la coopération régionale en souffre. Pour résoudre ces difficultés, il faut s’attaquer aux conflits régionaux au niveau politique. Et en même temps, il faut aussi trouver des solutions au niveau d’une coopération entre les pays disponibles pour avancer, et une coopération sous-régionale, à géométrie variable, quand cela sera possible. Ceci a déjà été fait dans le Processus de Barcelone et nous pouvons également le faire pour l’UPM