Avec la nomination de Manuel Valls à la tête du gouvernement, tous ceux qui ne sont pas "blancos", ou qui vont faire leurs courses dans un supermarché halal, peuvent d'ores et déjà s'inquiéter. Le "changement" qu'on attendait "maintenant" n'est pas pour demain. La stigmatisation des immigrés et de leurs enfants devrait continuer à se normaliser en France comme le constate le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH). Les Roms, les arabes et les noirs continueront à servir de boucs émissaires à une société en crise. Mais au delà de l'origine ethnique, il est une religion contre laquelle la parole s'est totalement libérée ces dernières années, c'est l'islam.
Les actes islamophobes -ou antimusulmans comme préfèrent les appeler certains ministres jadis à l'intérieur- se sont multipliés dangereusement : tags sur les murs, têtes de porcs ou cocktails Molotov jetés sur les mosquées, profanation de carrés musulmans dans les cimetières, insultes et agressions physiques de femmes voilées... Heureusement, des associations antiracistes se mobilisent, des mouvements comme le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) se créent, pour sensibiliser la société, les partis politiques et les médias à ce racisme anti-arabe refoulé, qui s'épanouit librement dans cette haine de l'islam depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Après la haine, la fraternité ?
Plus récemment, un collectif d'intellectuels, politiques, artistes et stars des médias s’est mobilisé pendant l'entre deux tours des élections municipales. Son but est clair, net et précis : dire ensemble non à la haine ! Les auteurs de ce texte publié dans la presse, se veulent menaçant. "A ceux qui ont proféré, diffusé, dit, laissé dire, mis en scène, organisé ou profité d’une telle immondice, nous voulons exprimer fermement et calmement que cela suffit ; qu’ils répondront de leurs actes et que pour notre part, nous répondrons par des mots." Les nervis du Bloc identitaire doivent trembler de peur. Mais intéressons-nous plutôt à cette "réponse par les mots", car pour reprendre le nom du collectif fondé par Sylvie Tissot et Pierre Tevanian, les mots sont importants !
Dans le texte signé par 20 personnalités, dont l'écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, BHL, Caroline Fourest, ou plus bizarrement Pascal Blanchard, on peut y déceler un biais idéologique assez dommageable pour la cause qu'ils sont censés défendre. Lutter contre la haine et le racisme ne peut supporter une hiérarchisation des victimes et encore moins l'omission d'un des visages de cette haine protéiforme. A la lecture, on se rend rapidement compte que ceux qui ont signé pour changer les esprits face à la haine, n'ont pas vraiment changé.
Roms et musulmans, votre compte est bon !
Un rapide comptage lexical nous donne l'ampleur de la tartufferie antiraciste : antisémitisme est cité 2 fois, 2 citations pour homophobie, 2 autres pour homosexuel, 1 fois pour arabe, 1 fois pour noir et 0 pour les Roms. De même pour la haine religieuse : 3 fois le terme juif, 1 citation pour antijuive, mais absence d'antimusulmans ou anticatholiques... A croire que bien plus que le voile, la kippa cristallise toute la haine religieuse aujourd'hui en France ; tout l'inverse des conclusions du rapport annuel sur la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie en France. «Les boucs émissaires aujourd'hui sont d'abord les Roms qui ont été stigmatisés, y compris par le gouvernement, et ensuite les musulmans arabes», selon Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, interrogée par l'AFP.
Mon intention n'est pas de faire des comptes d'apothicaire mais de relever les tabous, l'enfumage et l'orientation idéologique des signataires de ce texte en particulier, à l'image des partis politiques et associations antiracistes surmédiatisées dont ils sont proches. Si un message fort doit être adressé à toutes les personnes animées par la haine de l'autre, il doit être rassembleur, non partisan et universel. A défaut, beaucoup liront le titre du texte et penseront : "Après la haine, la fraternité... seulement pour certains. Les autres subiront encore la haine !"