Le Maroc a certes cessé d’expulser les migrants en situation irrégulière - à l’exception, hier de 15 Syriens - mais les rafles continuent dans le nord. Depuis décembre, les migrants subsahariens supposés en situation irrégulière sont arrêtés dans le nord près de Ceuta et Melilla pour les empêcher de rejoindre irrégulièrement les enclaves espagnoles. Ils sont ensuite transportés en bus vers Rabat et Casablanca «par dizaines puis par centaines», estiment un groupement d’associations de migrants et d’aide aux migrants, dans un communiqué commun publié aujourd’hui, mardi 25 mars. Depuis 4 mois, les associations accueillent et aident dans la mesure de leur capacité ces hommes et ces femmes, souvent blessés par les forces auxiliaires marocaines ou la Guardia civil espagnole selon leurs témoignages.
Submergée, Caritas a fermé hier les portes de son centre d’accueil à Takadoum. «Jeudi dernier nous étions encore en discussions avec les autorités, mais elles n’ont débouché sur rien», explique Hicham Rachidi. Les associations appellent dont publiquement le gouvernement à cesser toute forme de violence et à venir en aide lui-même aux migrants déplacés face ce qu’elles nomment une «crise humanitaire, survenue en pleine capitale».
Caritas menace de ne pas rouvrir son centre d'accueil
Caritas, association catholique, traditionnellement très discrète, était l’unique association à offrir un centre d’accueil pour les migrants sur l’axe Casablanca-Rabat. Il n’y en a plus. «Clairement, nous ne rouvrirons pas les portes de ce centre tant que les déplacements forcés et les violences n’auront pas cessé», indique Chloé Faouzi, coordinatrice du projet «Promotion du respect des droits des migrants subsahariens au Maroc», auprès de Caritas Maroc. L’association était totalement submergée.
«Chaque matin, une centaine de personne nous attendait devant la porte», explique Chloé Faouzi. «Il y a quelques semaines, Caritas a demandé le secours des bénévoles d’autres associations pour accueillir les migrants. Les membres de l’association étaient submergés», ajoute Hicham Rachidi, secrétaire général du Gadem. «Un accompagnement humanitaire important doit être mis en place dès aujourd’hui en attendant les lois sur la migration et l’asile. Les structures comme Caritas sont submergés», reconnaissait jeudi Driss El Yazami, secrétaire général du CNDH avant d’ajouter que «les institutions marocaines sont prêtes à le faire, mais elles n’en ont pas les compétences nécessaires.»
Plusieurs bus chaque soir
Aujourd’hui, les déplacements forcés continuent. «Chaque soir, vers 22-23h, trois ou quatre bus d’une cinquantaine de place les emmènent à Rabat où ils sont relâchés. Ils sont souvent gravement blessés, mais comme ils n’ont pas de papiers les hôpitaux refusent de les soigner, alors ils vont mendier partout dans le centre ville», raconte Hélène Yamta, présidente de la voix des femmes migrantes au Maroc. Elle raconte, que lorsque les forces auxiliaires ont commencé les déplacements massifs de migrants du nord vers Rabat en décembre, ils trouvaient refuge dans les mosquées «mais ils ont rapidement été trop nombreux, alors ils ont été chassés et sont partis mendier le long des grandes artères de Rabat. Là, ils sont également parfois arrêtés».
«Le 1er mars, j’ai vu que des policiers faisaient monter l’un d’eux dans leur fourgonnette, sans aucune violence je précise bien. Ils allaient en arrêter deux autres quand je suis intervenue. Je leur ai demandé quel était leur mandat, pourquoi ils faisaient ça», raconte la militante des droits de l’homme. Son obstination l’a emportée sur la volonté des policiers qui ont finalement libéré le premier migrant qu’ils avaient embarqué.