150 subsahariens, essentiellement Camerounais, ont réussi à franchir la frontière de Melilla, sur environ 200 à avoir tenté leur chance, hier matin, lundi 17 février. Ils ont rejoint, joyeux et en chantant, la centre de regroupement de Melillia sous les yeux et les caméras de nombreux journalistes. Le gouvernement espagnol était sur la sellette depuis la mort de 15 migrants, il y a une semaine, aux abords de Ceuta. Ce franchissement illégal de la frontière pourrait inverser le rapport de force.
Accusé d’avoir provoqué la mort des migrants en utilisant du matériel anti-émeute contre leurs embarcations, le ministre de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, avait dû défendre, jeudi 20 février, l’action de la Guardia civil devant une commission parlementaire. Des représentants du ministère et de la Guardia civil avaient déjà reçu deux jours plus tôt Katya Salmi, venue leur présenter son rapport sur la situation des migrants subsahariens au Maroc pour Human Rights Watch. Il met notamment en cause la violence de la Guardia civil, dans les enclaves, à l’égard des migrants.
Expulsions sommaires
«Nous nous sommes focalisés sur les expulsions sommaires par la Guardia civil de migrants qui sont rentrés à Melilla par le grillage, de même que la violence à l’égard des migrants par la Guardia civil [...], raconte Katya Salmi, suite à cette rencontre. Les deux représentants ont maintenu que cette violence est proportionnée aux actions des migrants.»
Constatées à maintes reprises par différentes associations marocaines, racontées par les migrants, les expulsions de Melilla vers le Maroc sont illégales telles qu’elles sont réalisées. L’Espagne refuse de reconnaître leur existence. «La Guardia civil a maintenu qu’il ne s’agit pas d’expulsions mais que leurs agents essayent d’empêcher les migrants d’entrer à Melilla. Nous avons fait référence aux cas ou les migrants sont entrés dans Melilla (et quelques fois s’étaient éloignés des grillages, côté espagnol, de plusieurs centaines de mètres)», rapporte Katya Salmi. HRW n’a obtenu qu’une réponse diplomatique : La Guardia civil se penchera sur cette question.
Lettre ouverte à l'ambassadeur d'Espagne
Vendredi 14, huit ONG et associations marocaines ont envoyé une lettre ouverte à l’ambassadeur d’Espagne à Rabat pour maintenir la pression exercée par la société civile et la presse espagnoles sur le ministère de l’Intérieur espagnol. «L'installation de multiples dispositifs sécuritaires sur les grillages de clôture de Ceuta et Melilla, dont notamment des lames de rasoir, occasionne des blessures graves que nous constatons régulièrement», souligne, notamment, les huit ONG et associations.
Les 150 migrants qui ont franchi la barrière de Melilla pourraient bien vite faire oublier la polémique en Espagne autour des 15 migrants morts. La presse espagnole raconte l’arrivée des Camerounais, hier, «en chantant», et la façon dont certains d’entre eux ont forcé l’entrée du CETI, le centre d’accueil des migrants. Elle reprend également les alarmes du gouvernement face à la «pression migratoire» et à l’un des «assauts» les plus importants depuis 2005. «30 000 migrants attendent de ‘sauter ‘ à Ceuta et Melilla», titre El Pais, quand le nombre de migrants en situation irrégulière, toutes nationalités mélangées, est évalué, au Maroc entre 25 000 et 40 000 et qu’un grand nombre d’entre eux vit aujourd’hui à Rabat et Casablanca, souligne l'association Al Khaima, dans une lettre au directeur de El Pais.
Le reportage de EFE sur la traversée des migrants