Décidemment, les journées noires se suivent et se ressemblent pour les places boursières internationales. La folie destructrice de richesse continue de ravager les marchés en emportant dans son sillage environ 500 milliards de dollars et les prévisions évoquent un chiffre beaucoup plus important : celui de 1500 milliards de dollars. L’heure du bilan n’a peut être pas encore sonné hormis l’ampleur du désastre, car le pire reste à venir, ou en tous cas à prévoir. Quel a donc été le catalyseur de ce qui semble constituer selon les analystes, et pour le moins, la plus grave crise qui touche l’économie mondiale depuis celle de 1929 ?
De prime abord, il faut préciser que si les marchés boursiers internationaux ont accusé des chutes brutales en septembre 2008, la crise a commencé réellement aux Etats-Unis durant l’été 2007. C’est ce qu’on appelle la crise des crédits hypothécaires ou « subprimes ». Des crédits généralement octroyés au début des années 2000, en évitant toutes les formes de restriction, afin de faciliter l’accès à la propriété de leurs maisons pour les ménages les plus vulnérables. Or, outre l’absence de garantie de la part de ces ménages, ces crédits avaient la spécificité d’avoir des taux d’intérêts variables. Ils vont se proliférer dans l’euphorie du marché de l’immobilier et la tendance baissière des taux d’intérêts directeurs qui vont atteindre en 2001 le record de 1%. Cependant les deux éléments qui vont entrer en jeu à partir de 2004 et qui vont renverser cette tendance sont la chute des prix de l’immobilier et le changement de la politique de la Réserve Fédérale américaine (Fed) qui va devenir plus restrictive. Du coup les taux d’intérêts des crédits vont augmenter considérablement en suivant les taux directeurs qui vont atteindre 6% et la chute du prix de l’immobilier va rendre les prix des maisons inférieurs aux coûts initiaux des crédits.
Cette situation va résulter de l’incapacité des ménages à honorer leurs engagements et la faillite des banques qui leur ont octroyé ces crédits. Si ce mécanisme concerne la crise au niveau américain, elle va proliférer au niveau international en raison de la connexion des marchés bancaires mondiaux et la technique de « titrisation ». Cette dernière qui consiste en la transformation d’un ensemble de créances en un seul titre émis sur le marché des capitaux. On pourrait dire, vulgairement, que cet instrument constitue la bouée de sauvetage qui va permettre aux banquiers détenteurs de créances douteuses de les dissimuler avec d’autres plus solvables. Et de ce fait le mal va se propager facilement à travers le marché financier tel un virus qu’on injecte dans le circuit sanguin.
Pour ce qui est de l’origine profonde de la crise, tous les analystes s’accordent pour désigner comme coupable idéal l’ancien président de la Fed Alain Greenspan, celui qu’on qualifiait encore à la veille de la crise comme le grand magicien de la finance. C’est en effet sa politique laxiste qui consistait en la baisse continue des taux directeurs qui, certes, a réussit à relancer les marchés après chaque début de crise. Mais il faut dire que cette politique a installé durablement des problèmes structurels au sein de l'économie américaine. Plus précisément, cette politique a créé un climat d’irresponsabilité en procédant au sauvetage des banques après chaque annonce de faillite éventuelle. Cette garantie de liquidités renvoient aux banquiers des mauvais signaux qui vont les inciter à des prises de risques injustifiés et ne répondant à aucune logique économique comme celles liées aux crédits hypothécaires.
C’est donc une crise de la régulation, de l’intervention de l’Etat et non de la dérégulation des marchés comme le laissent entendre la majorité des analyses économiques. La dérégulation a sans aucun doute facilité la diffusion de la crise à travers les marchés financiers internationaux mais en aucun cas elle ne pourrait être désignée comme la cause de la crise.
D’un autre coté il serait illusoire de croire, en faisant un parallèle avec la chute du mur de Berlin, que cette crise apporterait un coup final au système capitaliste. Car, cette période est celle où le capitalisme se porte le mieux depuis son avènement puisqu’il a réussit à s’introduire dans des grandes nations qui adoptaient auparavant d’autres systèmes économiques telles que la Chine et la Russie. Ce fait a permis a des millions d’individus de sortir de la pauvreté dans une période relativement courte. Et dans l’hypothèse très probable que l’économie mondiale, soutenue par les économies émergentes, va continuer de croitre cette année de 3% ou de 4% en dépit de la crise. Ce qui signifie désormais que cette économie mondiale sera moins dépendante de la santé de l’économie américaine. Par conséquent on peut dire que ce n’est pas le capitalisme en tant que système qui est en jeu à travers cette crise mais c’est plutôt le leadership économique américain qui est de plus en plus bousculé par les puissances économiques émergentes. Dans ce cadre il est fort probable que cette crise aura, outre les conséquences économiques, d’autres liées à la géopolitique internationale.
La question de l’impact sur l’économie marocaine pourrait être traitée selon deux angles ; l’angle financier et l’angle économique. Pour ce qui est de la sphère financière, en raison du degré limité de la connexion des marchés boursier et bancaire marocains, il est fortement exclut que les banques et la bourse soient directement affectées par cette crise. L’économie réelle, de son coté, comme l’a évoqué une étude du Centre marocain de conjoncture (CMC), sera probablement touchée bien qu’il est difficile de déterminer l’ampleur.
Il évident que des vecteurs importants de l’économe marocaine seront touchés par la crise comme les rentrés du tourisme, celles liées aux investissements directs étrangers et les transferts des MRE. Or si le CMC a évalué la perte probable d’environ 1,5 à 2% de croissance de PIB pour cette année, l’économiste français Jaques Sapir parle, de son coté, d’une chute importante des IDE en provenance de l’Espagne qui est sans doute le pays européen le plus touché par la crise des « Subprimes ». Cependant, il n’est pas totalement exclut que la dynamique et la stabilité macro-économique de l’économie marocaine lui permettent de surpasser sereinement cette crise à l’instar de la crise alimentaire de l’année dernière dont les effets étaient moins marquants au Maroc que dans une grande partie des pays en voie de développement. Ce scénario n’est pas impossible, néanmoins il reste peu probable en raison de l’ampleur de la crise actuelle.