Hatim Ben Hammou, 70 ans, s’est fait une promesse il y a plus de deux mois. Lorsqu’il apprend que son gendre est mort au Yémen et que sa fille Samira, enceinte, et ses deux petits enfants sont en danger de mort, ce Marocain se jure d’aller les chercher. Son parcours est rapporté ce mardi, par le site web du Comité international de la Croix rouge (CICR), qui est très actif sur place où il vient en aide aux civils touchés par le conflit.
Au Yémen, plusieurs gouvernorats échappent, en effet, aux autorités officielles du pays. Et depuis fin octobre, la situation s’est particulièrement dégradée, notamment à Dammajj, un village situé dans la province de Saada, dans le nord du pays, dont la majeure partie est contrôlée par des chiites Houthis. Ces derniers accusent les Sunnites de faire venir des milliers de salafistes dans le but de reprendre le pouvoir dans la région. Les Sunnites, eux, assurent qu’il s’agit d’étrangers venus étudier la théologie à l’académie Dar Al Hadith, installée à Dammaj depuis les années 1980.
Jamais sans ma fille
En attendant de trouver un terrain d’entente, le bilan des combats a d’ores et déjà dépassé la centaine de morts dans ce village. Le mari de Samira, décédé suite à l'explosion d'un obus de mortier, en fait partie. Conscient des dangers qu’encoure sa famille là-bas, résidant depuis cinq ans à Dammaj, Hajj Hatim a décidé de les ramener au Maroc à tout prix.
«Elle m'a dit que les combats l'empêchaient de quitter la ville, donc je lui ai promis d'aller la chercher», explique Hajj Hatim au CICR. Père de neuf enfants au total, ce septuagénaire, aujourd’hui à la retraite, a mis deux mois pour obtenir un visa yéménite. Une fois arrivé à la capitale Sanaa, l’homme a dû attendre des jours avant de se rendre à Saada où il est rapidement hébergé par la population locale. Une fois sur place, il trouve, toutefois, beaucoup de mal à retrouver sa fille.
On m'a dit que j'étais fou
«J'ai téléphoné à tout le monde. J'ai appelé l'ambassade et les autorités. Je leur ai dit : “Je suis là et je veux récupérer ma fille”», raconte-t-il. «On m'a dit que j'étais fou et que si j’y allais seul, je mourrais. Je leur ai répondu : “Si je dois rentrer chez moi sans ma fille, c’est mon cœur qui mourra”», se rappelle-t-il.
Le 4 novembre, le Marocain apprend qu’un convoi du CICR va tenter d’accéder à Dammaj. Il «supplie» alors son chef de faire évacuer sa fille et ses deux enfants. Mais la priorité était, à ce moment-là, de faire sortir les personnes les plus touchées par les combats. «Hatim fond en larmes et demande à pouvoir intégrer le convoi, sinon il se rendra seul, à pied, dans la ville», poursuit le CICR.
Une première série d’évacuations permet alors de mettre 23 personnes blessées en sécurité. Samira, elle, en bonne santé mais sur le point d’accoucher, ne sera évacuée que quatre jours plus tard grâce à un autre convoi du CICR. Hajj Hatim retrouve enfin sa fille le 8 novembre. «Papa est là, tout ira bien, Al-Hamdoulillah», répétait-il à sa fille durant la nuit de leur départ vers le Maroc. Depuis, ce père de famille a pu rentrer chez lui, avec l'aide de l'ambassade marocaine, en compagnie de sa fille et ses deux petits enfants qu'il n'avait encore jamais vu.