«J’ai décidé en ce jour [lundi 15 juilliet 2013, ndlr] d’entamer une grève de la faim, une grève que je n’arrêterai pas tant qu’on ne respecte pas mes droits !», annonce Ali Aarrass dans une lettre écrite depuis sa cellule à la prison de Salé où il est incarcéré depuis 2011.
Cette décision fait suite à une injustice qu’il a subie de la part des hauts responsables de la prison. Dans sa lettre, M. Aarrass décrit les faits qui se sont déroulés à partir de lundi 8 juillet. Il avait reçu une enveloppe contenant des photos ainsi qu’un médaillon des 20 kms de Bruxelles, médaille dont le collier portait les couleurs du drapeau belge. «Quelques heures plus tard, le directeur donne l’ordre qu’on me reprenne la dite enveloppe avec tout son contenu», raconte le Belgo-marocain, soulignant qu’il avait pourtant déjà signé dans le registre l’accusé de réception comme c’est de coutume à la réception du courrier.
«Menacé» par le directeur de la prison
Cependant, ce que M. Aarrass considère comme de la «provocation» ne s’arrête pas là. Mercredi 10 juillet en fin de matinée, « le directeur de la prison Abdellah Darif et son adjoint nommé M. Bouazza ont débarqué dans sa cellule à son insu », explique-t-il dans sa lettre. Le Belgo-Marocain était dans la cour. Les deux responsables auraient fouillé la pièce, arraché et piétiné des lettres et cartes postales collées sur le mûr et emporté quelques-unes à caractère privé.
«Quand je suis revenu à ma cellule, […] tout était sens dessus dessous. Ils ont pris un malin plaisir à le faire avec beaucoup de méchanceté, haine, un racisme, du mépris, pour me toucher», relève le prisonnier politique. Il regrette d’ailleurs que le directeur n’ait fait preuve d’aucune «humanité ni intelligence en compagnie de son adjoint», lequel est connu pour ce genre d’actes. Il aurait harcelé M. Aarrass après la visite du Rapporteur de l’ONU fin 2012.
Après constat, M. Aarrass demande à rencontrer M. Darif afin d’obtenir des explications sur ce qui s’était passé. «Il a répliqué en me disant qu’il est le directeur et que je ne suis qu’un prisonnier. Qu’il décidait de tout et qu’il faisait tout ce qu’il voulait dans sa prison», rapporte-t-il. Le Belgo-marocain a voulu revendiquer ses droits de prisonnier, mais le directeur s’est imposé en maitre. «Il m’a dit, en me menaçant, qu’il me fera la vie impossible, et que Bouazza est l’homme en qui il place toute sa confiance, son confident». Pour Ali ce qu’il subit aujourd’hui dans cette prison, n’est que «la preuve d’un racisme, d’une vengeance de la part du directeur et de son confident et adjoint, Bouazza».
Certains prisonniers «payent avec tout ce qu’ils ont pour avoir en retour ce qu’ils veulent»
Du fond de sa cellule, Ali Aarrass attend toujours qu’on lui restitue l’enveloppe confisqué avec le médaillon aux couleurs du drapeau par lequel il a «juré» en faisant son service militaire dans les années 1993-94. «Enfermé dans cette prison, avec le droit à «plus rien!», [...] j’en suis à me demander si j’ai les mêmes droits que tous les prisonniers».
Il en a d’ailleurs profité pour dénoncer la corruption qui règne à la prison de Salé où les plus offrants ont droit aux séjours les plus paisibles. En effet, certains prisonniers payeraient «avec tout ce qu’ils ont pour avoir en retour ce qu’ils veulent, et ce butin le directeur et son adjoint se le partagent», révèle Ali Aarrass qui se refuse tout acte de ce genre. Il compte poursuivre sa grève de la faim jusqu’à ce qu’il retrouve tous ses droits.
Arrêté en 2008 à Melilia pour des actes de terrorisme dans le cadre du GICM, Ali Aarrass avait été blanchi. Mais cela n’a pas empêché l’Espagne de l’extrader vers le Maroc, en 2010, où il a été jugé et condamné, en 2012, à 12 ans de prison pour terrorisme. Aujourd’hui, M. Aarrass bénéficie du soutien des Nations Unies et de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Ce soutien de poids, pourrait peser pour stopper les injustices qu’il subit en prison. Après sa rencontre avec le prisonnier Belgo-marocain, le Rapporteur spécial de l’ONU contre la torture avait écrit au gouvernement marocain, sans qu’il n’y ait de réponse officielle de la part de Rabat.