«Spécial "Ramadam" de carrefour. Notre république est-elle toujours laïque? Tout fout le camp!!!». C’est le commentaire posté jeudi dernier par l’élu UMP au conseil municipal de Nîmes, Laurent Burgoa, sur son mur Facebook, au sujet d’un catalogue publicitaire spécial Ramadan de l’enseigne de grande distribution Carrefour.
Noel, Pâques, Nouvel an chinois, ... : «Oui», Ramadan : «Non». Pourquoi ?
A la veille du mois sacré musulman, cette publication a très vite suscité les réactions des internautes. Si quelques-uns approuvent l’élu UMP, la grande majorité s’indigne. C’est le cas de As Nimes Fustal. Pour lui, la France est toujours un pays laïque, «étant donné qu’il y a des catalogues carrefour spécial noël, pâques, chinois…», répond-t-il à M. Burgoa. Et de demander : «Mais quand c’est une fête musulmane ça choque c’est ça?». Une autre, Pascale Couderc-Peraldi, s’invite dans le débat en interrogeant ceux qui partagent l’avis de l’élu UMP : «on reçoit bien un catalogue pour le nouvel an chinois, pourquoi devrait-on interdire le catalogue spécial ramadan ?».
Là-dessus, Laurent Burgoa, répond tout sec estimant que «Noël ou pâques pour Carrefour sont des fêtes pour les enfants ou plus grands mais pas religieuses», et «le nouvel an chinois n'est pas une fête religieuse», contrairement au Ramadan. Au bout de plusieurs interventions critiques, l’élu nîmois a voulu clore le «débat» : «je dis haut et fort que je respecte toutes les religions et toutes les personnes à condition que ces dernières respectent la République Française donc la laïcité. C'est tout!!!». Et l’association Divers’citées de demander : «En quoi un spécial Ramadan va à l’encontre de la laïcité ? […] C'est un manque de respect de la République que de vendre ou d'acheter hallal ?». Mais M. Burgoa s’est refusé d’y répondre, prétextant qu’il ne veut pas polémiquer. Il entend combattre le «communautarisme».
Le CFCM pourrait porter plainte
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s'est également indigné par le commentaire de l’élu de droite. Le président de l'observatoire des actes islamophobes au CFCM, Abdallah Zekri, l’a clairement fait comprendre à l'AFP: «Monsieur Burgoa a permis à certains racistes ou extrémistes de se défouler sur le réseau social. Ce n'est pas la première fois que l'UMP flirte avec l'extrême droite, et plus on approche des élections municipales, plus le parti va encore flirter avec le Front National (FN)».
Jugeant ces commentaires «agaçants», le responsable religieux envisage de «porter plainte». Son avocate, Me Aoudia, étudie actuellement les déclarations de M. Burgoa pour savoir s’ils «constituent un acte islamophobe ou une incitation à la haine raciale pour prendre une décision par la suite».
Risque d'«intrumentalisation» politique ?
Contacté par Midi Libre samedi dernier, Laurent Burgoa a tenté de calmer le jeu. Il assure qu’à travers son commentaire Facebook, il voulait «juste dire que dans un but mercantile, on ne pouvait pas tout se permettre». «La polémique est disproportionnée. Je respecte toutes les religions et tous les hommes», dit-il, soulignant qu'il a discuté au téléphone avec M. Zekri qui était plutôt «très calme».
Pour l’instant, Abdallah Zekri n’a pas encore officiellement renoncé à son intention de porter plainte. Mais cette polémique qui nait pratiquement à la veille du Ramadan et à neuf mois des élections municipales en France pourrait ouvrir un nouveau débat politique autour de la communauté musulmane.
Le FN a d'ailleurs commencé à alimenter la polémique. En réaction à la sortie de Laurent Burgoa, le parti dirigé par Marine Le Pen n’a pas manqué de s’en prendre au parti au pouvoir avec au centre, les musulmans de France, tout comme ce fut le cas par le passé. «Si un tel catalogue [spécial Ramadan de Carrefour, ndlr] existe aujourd’hui, c’est précisément parce que le parti auquel il appartient, comme le PS, ont fait venir dans notre pays des millions d’immigrés représentant désormais dans certaines maternités ou certaines villes une majorité», indique dans un communiqué le FN du Gard.
Un épisode de plus dans le feuilleton des débats sur l'islam qui tournent souvent vers l'islamophobie ? La semaine dernière le Collectif contre l’islamophobie en France publiait son rapport 2012, dans lequel l'association dénonçait l'«instrumentalisation» du fait religieux par les politiques. Ce qui n'a pour seule conséquence que de renforcer le «sentiment de haine» au sein de la société vis-à-vis des personnes de confession musulmane.