Médecins sans frontières quitte le royaume, a annoncé David Cantero, coordinateur général de Médecins sans frontières au Maroc, ce matin, mercredi 13 mars, à Rabat. L’ONG qui s’était spécialisée dans les soins aux migrants subsahariens irréguliers affirme que la situation s’est améliorée et que le reste ne dépend plus de ses compétences, alors qu’elle délivre, dans le même temps, un ultime rapport accablant intitulé «Bloqués aux portes de l'Europe».
MSF est présente au Maroc depuis 1997. Après avoir travaillé auprès des travailleuses du sexe et des mères célibataires, MSF offre, depuis 2003, son aide aux migrants subsahariens en situation irrégulière à Oujda, Nador et Rabat. «L’objectif de notre présence ici était d’assurer aux migrants un accès au soins équivalent à celui des Marocains et une amélioration de leurs conditions de vie», explique Susan Sandars, membre de MSF Maroc.
Pas de système de santé parallèle
Cet objectif a été en partie rempli, selon David Cantero, car «l’activité directe de MSF s’est beaucoup réduite : l’accès au système de soins marocain s’est beaucoup amélioré pour les migrants en situation irrégulière.» «Pour éviter la création d'un système parallèle de soins de santé dans la région de l'Oriental, les équipes de MSF […] se sont concentrées sur l’assistance et le soutien à l’accès des migrants subsahariens aux services publics de santé», explique le rapport car la peur d’être arrêtés et expulsés empêche les migrants de se rendre dans les centre de soins marocains. «Nous avons, en effet, rencontré quelques cas de migrants qui ont été interpelés lors de leur passage à l’hôpital, reconnaît Susan Sandars.
MSF explique donc son départ par l'amélioration de la situation médicale des migrants, localement, à Oujda, grâce à sa collaboration avec les autorités sanitaires et la police marocaines. Au niveau national leur situation, a plutôt tendance à empirer car tous les étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou non, sont exclus, depuis 2012, du nouveau régime d’assurance maladie RAMED. Jusqu'alors les migrants irréguliers bénéficiaient du statut de SDF et pouvait accéder aux soins de santé publique selon le système du certificat d’indigence, rappelle le rapport de MSF.
Interdit d'action à Nador en 2011
A Nador, MSF n’a pas été autorisé à travailler pendant toute l’année 2011, pourtant, c’est là bas que se situent les besoins les plus criants. Lorsque les migrants ne se blessent pas gravement aux barbelés de la frontière hispano-marocaine de Mélilia, ils sont battus par les policiers marocains, espagnols ou algériens. Ils vivent des conditions extrêmement précaires dans la forêt obéissant à un réseau de traite d’êtres humains qui les exploitent et dans lequel beaucoup de sont considérées comme des esclaves sexuelles.
«En fait l’année dernière, les équipes de MSF ont constaté une recrudescence de la violence exercée par les forces de sécurité marocaines et espagnoles», indique le rapport, alors que depuis la fin du mois de juin 2012, le nombre de migrants subsahariens en situation irrégulière à Oujda a augmenté. MSF constate également que «le Maroc est devenu, suite au durcissement des contrôles frontaliers […] un pays de destination forcée», or «plus le séjour des migrants subsahariens se prolonge au Maroc, plus la vulnérabilité augmente», souligne le rapport.
Action de plaidoyer
«Mêmes si les migrants ont besoin de soins de santé, leur situation est d’abord liée à des actes de violences, explique Susan Sandars, pour expliquer le départ de MSF. Elles sont la cause de tout.» Etrange argument quand on sait que MSF intervient régulièrement sur des terrains de guerre, comme en Syrie actuellement. «Il s’agit de lutter pour le respect des droits des migrants et ce travail là sort des compétences de MSF», insiste David Cantero.
Aujourd’hui, il a officiellement demandé, au nom de MSF, «la fin des actes de violences envers les migrants, une action concrète pour résoudre la contradiction entre l’adhésion du Maroc au droit international protégeant les migrants et les politiques migratoires menées par l'UE et le Maroc.» L'ONG appelle également les organisations internationales à plus porter assistance aux migrants.
Difficile de croire, dans ce contexte, que l’équipe de MSF quitte le Maroc avec le sentiment du devoir accompli et la conviction sincère que la situation se soit améliorée. «A Rabat, nous avons effectué une passation avec l’association ALCS [Association de Lutte contre le Sida, ndlr] qui a embauché une psychothérapeute et une assistante sociale qui travaillaient auparavant avec nous. Pour Nador, nous avons contacté l’Eglise catholique de Tanger pour tenter d’assurer la continuation de notre travail», explique Susan Sandars.