Avec la demande internationale pressante, ces dernières années, le saumon a fait l’objet d’une production de masse qui a fini par faire rebuter certains consommateurs. Entre manque de traçabilité, interrogations sur les conditions d’élevage et opacité sur l’alimentation des poissons, la tendance est désormais de se tourner vers des produits plus locaux. C’est ainsi que la truite a regagné en intérêt.
Espèce endémique au Maroc, pratiquement éteinte à cause de la surpêche en eau douce, réintroduite dans son milieu naturel et désormais élevée dans celui-ci, la truite a longtemps été l’ingrédient central de repas traditionnels dans les régions où elle se trouve. Moins en couscous, plutôt farcie et au four ou en tajine décliné en variétés locales, elle est passée à la trappe à cause de sa rareté. Mais depuis quelques années, elle a bénéficié d’un intérêt grandissant, grâce à sa disponibilité dans certains marchés.
Le succès de la truite ne connaît d’ailleurs pas de frontières. A l’approche des fêtes de fin d’année, elle devient même plus prisée que le saumon, à travers des circuits commerciaux courts. Des filières de production locales et des artisans de la truite fumée ont ainsi vu le jour, dans le sud-est de la France, où l’espèce trouve les conditions naturelles pour se reproduire. Dans un récent reportage, France 3 a mis en lumière l’expérience à Saint-Bénigne, en Auvergne-Rhône-Alpes.
La truite fait son retour également au Maroc
Au Maroc, la truite est naturellement liée aux régions connues pour leurs lacs, leurs rivières et leurs sites naturels d’eau douce. C’est particulièrement le cas au Moyen-Atlas, entre Ifrane et Azrou, comme toutes les zones traversées par le bassin d’Oum Rabiî, sur près de 550 km de long.
Au Moyen-Atlas, la truite Fario est la plus connue comme étant une espèce historiquement locale, rappelle la plateforme Ntla9awfbladna, de l’Office national marocain du tourisme (ONMT). A partir de 1925, la truite arc-en-ciel est introduite au Maroc, ramenée d’Amérique du Nord. Traduisant l’intérêt porté pour la consommation de ce poisson comme partie intégrante de la tradition locale, la station de Ras El Maa a vu le jour en 1957, faisant également la promotion de la pêche de loisirs. Au fil des années, la truite a quasiment disparu des cours d’eau douce. Ses refuges naturels restent les zones les plus difficiles d’accès.
Après des années des réintroduction, c’est surtout la truite arc-en-ciel qui est plus largement présente dans les bassins. Dans le cadre des projets d’extension qu’a connue la station de Ras El Maa, celle-ci inclut désormais une école de pêche qui promeut des pratiques durables. Elle est dotée également d’une salle d’exposition, qui met en avant la pisciculture, en plus de sensibiliser à la protection de la biodiversité. Afin de favoriser une reprise des espèces locales, les diverses variétés de Salmo sont considérées comme étant de capture et de remise à l’eau.
Moins disponibles mais bien présentes dans leur milieu naturel, d’autres espèces de truites font la particularité de ce poisson au Maroc : la truite de ruisseau, la brune (Salmo trutta), la macrostigma méditerranéenne et Pellegrini, dite également truite Tensift. Quant à la truite verte du lac d’Isli (Salmo viridis), la truite marocaine ou d’Ifni (Salmo akairos) et la tachetée fine du Dadès (Salmo multipunctata), elles restent entièrement endémiques dans le pays.
Côté cuisine, l’engouement pour la truite marocaine est tel que ce poisson a trouvé sa place dans les émission culinaires en Europe, ou encore les sites spécialisés.
La truite et le saumon sur les étals
Face au gain de popularité de la truite, des industriels nationaux de l’agroalimentaire ont investi la filière, avec des garanties de respect des cycles reproductifs du poissons, ainsi que des conditions d’élevage dans le milieu naturel. En 1989, une unité d’aquaculture a ainsi été lancée par les Domaines Agricoles, qui en a fait l’une des premières en Afrique.
A destination du marché national et étranger, les truites d’Aïn Aghbal et d’Oum Rabii sont élevées sans soja dans la région d’Azrou, avec une traçabilité ayant permis à l’exploitation d’être certifiée selon des normes européennes. Sur le marché, la truite arc-en-ciel entière est généralement calibrée entre 2 et 3 kg, vendue à près de 179 DH/kg. Pour 100 grammes de truite fumée, comptez entre 55 et 59 DH.
A titre comparatif, la facture s’élève à 125 DH pour 640 grammes de saumon en deux tranches, soit entre 195 et 200 DH le kilo. Issu de l’élevage local et éco-responsable, le filet de saumon fumé nature (100g) varie entre 57 et 63 DH.
Entre la truite dans son milieu sauvage et celle élevée, même dans son environnement naturel, des différences subsistent. Les fins connaisseurs de la pêche de loisirs savent distinguer entre les deux, notamment en examinant les yeux, ou encore les nageoires.