Aujourd’hui, jeudi 28 février, la cour d’appel de Casablanca a rendez-vous avec la dernière audience du procès CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale). Un autre scandale de la longue série de dilapidations des deniers publics. 115 milliards de dirhams ont été détournés durant 30 ans, de 1971 à 2001.
Dans le box des accusés figurent notamment deux directeurs généraux de la Caisse, Mohamed Gourja, directeur de 1971 à 1992 et Rafik Haddaoui, de 1995 à 2001, également ministre de l’Emploi de novembre 1992 à février 1995 sous le gouvernement Abdellatif Filali. Un troisième responsable, également directeur de la Caisse, de 1992 à 1995, M’Hamed Laâlej aurait dû accompagner les deux premiers au banc des accusés, mais il est décédé.
10 ans d'enquête
Le procès, ouvert le 4 août dernier, entame aujourd'hui sa dernière ligne droite est l’aboutissement de presque dix années d’enquête et d’atermoiements. La Commission d’enquête parlementaire, initiée en 2002, n’a présenté son rapport final que le 6 juin 2012 à la Chambre des conseillers.
Le début de l'affaire de la CNSS remonte au début des années 2000. Nous sommes au commencement du règne de Mohammed VI et du gouvernement dit d’alternance, conduit par le socialiste Abderrahman El Youssoufi ; tous les espoirs sont permis. C’est dans ce contexte que la Chambre des conseillers décide la constitution d’une commission d’enquête sur la CNSS. Cette institution décriée veut redorer son blason en s’attaquant à un monstre de la mauvaise gestion de l’argent public. La présidence de la commission est confiée à Rahou Hilaâ. Il défendait, à l'époque, les couleurs du FFD (Front des Forces Démocratiques). Il est aujourd'hui député du PAM.
2 fois le budget annuel de la Caisse de compensation
Après la publication du rapport de Rahou Hilaâ, le gouvernement Benkirane n’a pas pas tardé à renvoyer l’affaire devant les tribunaux. Lui qui a fait de la lutte contre la prévarication son cheval de bataille, y a vu l'occasion de mettre à exécution une partie de son programme électoral, d’autant plus que les mis en cause n’ont pas de solides relais dans la classe politique ou économique actuelle. Gourja et Haddaoui sont des hommes du passé. Idem pour Abdelmoughit Slimani. Le secrétaire général du CNSS entre 1976 et 1994 était très proche de l’ancien ministre de l’Intérieur Driss Basri.
Au terme du procès, les accusés pourraient être tenus responsables de la perte de 115 milliards de dirhams. La somme équivaut à près deux années d'interventions de la Caisse de compensation. Elle est aussi équivalente, comme cela a été relevé dans le rapport de la Commission d’enquête parlementaire, présenté en juin dernier à la Chambre des conseillers, à la totalité des recettes de l’Etat au titre de l’exercice 2001.
Une polyclinique jamais construite
Dans cette affaire, Mohamed Gourja, âgé aujourd’hui de 73 ans, est dans une plus mauvaise situation que Rafik Haddaoui. C’est en effet sous sa direction que la CNSS a battu tous les records de mauvaise gestion. Le rapport de la Commission d’enquête l'accuse d'avoir fait disparaître 790 millions de dirhams d’un compte baptisé «Soins de Santé France». Ce compte était sous le contrôle direct de la direction générale jusqu’en 1989. Un projet de construction, en 1974, d’une polyclinique à des millions de dirhams sans qu’elle ait vu le jour.
Le scandale de la CNSS est également celui du plus ancien syndicat, l’UMT, dont des membres siégeaient au conseil d’administration de la Caisse. Si l'image de la centrale sort ternie du procès, elle en sortira tout de même globalement indemne.